A partir de 8 ansJeux inclassables

Test – Dive

Sur l’île des Bois Ventus, la légende raconte qu’en des temps reculés, la déesse des coraux, Otahi, tomba amoureuse du jeune guerrier prometteur Maheanuu. Pour se montrer digne de sa déesse, Maheanuu partit conquérir les îles avoisinantes. Mais la jeunesse et l’impétuosité de l’amour le rendirent imprudent et il fut gravement blessé. La déesse, apprenant l’état du jeune homme, se laissa dépérir et finit par jeter son coeur au fond de l’océan tandis qu’elle pensait son bien-aimé perdu. Sa vigueur permit cependant à Maheanuu de se remettre et dès qu’il sut ce que sa déesse avait fait, il plongea tout au fond des eaux pour tenter de repêcher le coeur. La légende raconte qu’il put ainsi la retrouver et que les deux amoureux, transformés en raies mantas, continuent de sillonner les eaux scintillantes autour de l’île des Bois Ventus. Depuis lors, à chaque solstice d’été, en mémoire d’Otahi et Maheanuu, les plongeurs s’affrontent pour repêcher la pierre sacrée du village, jetée du haut de la falaise par le doyen. Serez-vous le premier à récupérer la pierre cette année ?

Dive est un jeu d’Anthony Perone et Romain Caterdjian, édité par Sit Down! et illustré par Alexandre Bonvalot. 1 à 4 plongeurs à partir de 8 ans pourront tenter de repêcher la pierre sacrée dans des parties de 30 minutes.

[Ce test a été réalisé au moyen d’une boîte qui a été gracieusement mise à disposition par l’éditeur. Ca ne change rien à l’avis, mais ça fait vraiment super stylé de le préciser.]

Avant de plonger, il faut s’équiper !

Dans la boîte, bien calés dans leur thermoformage en plastique, on trouve des cartes océans, un support en carton pour les installer, des petits jetons en bois représentant votre vitesse de plongée, un plateau commun et des paravents pour prévoir vos plongées en toute quiétude. Et tout un tas de petits jetons et de cartes qui vous permettront d’introduire des variations ou de nouveaux modes de jeu. L’ensemble est de bonne facture et bien pensé. Et dire cela ne rend évidemment pas assez hommage à la beauté des cartes océans, de belles cartes carrées transparentes et colorées avec des couleurs bien saturées, juste somptueuses. Côté matériel, donc, c’est un grand grand oui.

Pour installer le jeu et avant votre toute première partie, il va vous falloir monter le support des cartes océans. Pas de panique, cela ne demande pas d’avoir appris la neurochirurgie, vous ou votre junior vous en sortirez comme des chefs. Et la bonne nouvelle c’est que ce qui est fait n’est plus à faire, tout tient bien dans la boîte une fois monté. Oui, je le souligne car c’est d’une pénibilité sans nom de devoir démonter et remonter des bouts de jeux avant et après chaque partie. Amis éditeurs si vous nous lisez, prenez exemple ! Et profitez-en pour vous inspirer de la conception du thermoformage en plastique, un modèle du genre, qui accueille chaque élément sans ambiguïté. C’est donc hyper facile de ranger et déballer sa boîte, et ça aussi, ça fait vraiment plaisir.

Prêt ? Sautez !

Bien, maintenant que nous en savons plus sur le matériel, plongeons-nous (si si, j’ose) dans le principe du jeu. Pour Dive, vous allez devoir faire preuve d’acuité visuelle et d’un juste dosage de prise de risque. Car le jeu vous invite à observer la pile de tuiles océan et à déterminer à quelle profondeur se situe tel ou telle tortue, raie ou requin.

La pile de tuiles océan est là, bien calée au milieu de la table sur son présentoir, au-dessus de la judicieuse feuille blanche glissée dans la boîte à la dernière minute, des fois que votre table serait super sombre. Vous avez donc devant vous un joli tas tout empilé de tuiles transparentes. Derrière votre paravent, votre plateau de plongée et vos jetons, de 1 à 5 faces sans requin d’un côté, et avec, de l’autre. Vous devez déterminer, tous en même temps, à quel niveau vous allez plonger (jusqu’à 5, donc) et si vous pensez rencontrer des requins à un ou plusieurs de ces niveaux, rien qu’en observant, de dessus et en diagonale, la pile des tuiles. SANS TOUCHER. Précisons-le une bonne fois pour toutes pour les petites papattes des Juniors curieux, surtout les plus jeunes.

Admettons que vous pensiez voir un requin sur la 2ème tuile en partant du haut. Tous les jetons que vous mettrez sur ce niveau de plongée doivent donc être tournés sur la face requin. Il ne vous faudra surtout pas vous tromper sur la présence ou pas du prédateur, car si vous échouez sur le bon côté des jetons, votre plongée s’arrête tout net et vous ne descendez pas plus bas.

Ensuite, rentre en jeu la vitesse de plongée. Si une jolie tortue ou une raie sont dessinées sur les tuiles, elles vous aideront à descendre plus bas dans les profondeurs, mais seulement si vous êtes le plus rapide à l’atteindre. Cette vitesse est matérialisée par la somme des jetons que vous avez utilisés pour ce niveau-là. Ainsi, par exemple, si vous avez mis un jeton de 1 et un jeton de 2 sur un niveau où il y a une tortue rouge, mais que Jean-Kévin a mis un jeton de 3 et un jeton de 4, alors il attrape la tortue avant vous et déplace immédiatement son petit plongeur de 2 cases sur le plateau commun.

Rajoutons à cela des tortues vertes qui permettent d’avancer d’une case et des raies qui permettent de rejoindre le plongeur le plus en avance (si vous n’avez pas atteint la case 15 du plateau central), et vous aurez une bonne idée de comment avancer durant la plongée. À ceci s’ajoutent également les niveaux que vous avez explorés avec succès durant votre plongée, c’est à dire ceux pour lesquels vous avez correctement deviné la présence ou l’absence d’un requin, avant de vous tromper. Chaque niveau atteint vous vaut d’avancer votre plongeur d’une case. Si vous vous trompez, par contre, plouf, vous n’avancez plus.

Donc par exemple, si vous avez vu des requins au niveau -3 mais qu’il n’y en avait pas, vous avancez de seulement 2 cases votre petit plongeur pour ce tour, même si vous avez de nouveau juste aux niveaux -4 et -5. Pour corser un peu la difficulté, passée la case 15 du plateau central, si vous vous trompez pour les requins, vous n’avancez pas du tout de tout le tour en dehors des tortues, et ce, même pour les niveaux réussis avant de tomber nez à nez avec un squale. Dans mon exemple précédent, ça sera whal(e)ou pour tout le tour, vous stagnez entre deux eaux.

En gros, retenez que, pour une progression cool et stable, gare aux requins. Pour une progression rapide, misez bien sur les tortues. Et si vous êtes à la traîne, attrapez une raie.

Bien évidemment, à la fin du tour, on retire les niveaux de profondeur explorés et on passe aux suivants dans la pile, histoire de ne pas explorer toujours les mêmes niveaux. Le premier plongeur à atteindre la case 23 et le coeur d’Otahi, la pierre sacrée, remporte la victoire. Et c’est tout.

En eaux troubles, je vois double…

Mais voilà, si le principe est relativement simple, l’exécution l’est beaucoup moins. Car les eaux sont traîtres autour de l’Ile des Bois Ventus, et vos yeux fatigués ne vous aident pas forcément. Vous verrez des requins à des niveaux où ils ne sont pas, et vice versa pour un bon petit coup de mâchoire dans les côtelettes, et les tortues et les raies sont fugaces. Que de fois j’ai tout donné pour en attraper une qui se trouvait 2 niveaux plus bas ! La lose totale. À ce petit jeu, l’oeil mieux exercé (qui a dit « plus frais » ?) du Junior sera peut-être, sûrement, avantagé, mais le dosage du risque sera probablement meilleur du côté de l’adulte. 1 partout, donc.

Donc, au niveau difficulté/avantage/désavantage, j’ai eu le sentiment que le jeu s’équilibrait bien entre les juniors et les vieux loups de mer et tout le monde s’amuse autour de la table, tournant autour de la pile de tuiles océan tels des requins tigres autour d’une planche de surf au look de phoque.

On apprendra donc vite à doser son effort pour attraper les tortues et éviter les requins en se cantonnant aux eaux peu profondes, mais gare aux joueurs risque-tout qui peuvent tenter le tout pour le tout et aller très loin à chaque plongée !

Mais il est où Némo ?

Abordons à mon sens le gros point négatif du jeu, la rejouabilité. En effet, passées les deux-trois premières parties de découverte, le jeu est toujours le même. On ne s’améliore pas d’une partie à l’autre au niveau visuel – sauf opération de la cornée, évidemment, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit – et tout tient dans la marge de manoeuvre du niveau de prise de risque. En outre, rien ne change dans la mise en place, en dehors du sens et de l’ordre des tuiles. Donc si on s’en tient là, le jeu risque d’être un poil répétitif d’une partie à l’autre, surtout si vous jouez toujours avec les mêmes joueurs et que vous pouvez adapter votre prise de risque à leur comportement. Pour autant, vous pourrez ressortir le jeu de temps en temps, si vous en restez au mode de jeu de base, histoire de vous nettoyer l’iris à grands coups d’eau de mer sans risquer de trop vous lasser. Mais vous ne poncerez pas le jeu et il risque de finir oublié.

Heureusement, les auteurs et l’éditeur sont malins et ont dû voir cet écueil potentiel pour Dive. Ils ont donc rajouté dans la boîte un soupçon d’asymétrie, par le biais de compagnons animaux qui disposent de capacités spéciales à utiliser au cours de la partie, changeant ainsi le cours du jeu et votre façon de jouer. Alors oui, c’est, de ce que j’ai vu, un pouvoir une fois par partie, mais savoir, par exemple, que vous pouvez explorer un 6ème niveau grâce à un copain poisson-pêcheur si vous le souhaitez, ça change subtilement votre façon de jouer. C’est une très bonne idée, ça renouvelle les parties, et, surtout, les tuiles animaux sont super choupis (sauf le poisson-pêcheur qui ne sera jamais choupi, jamais). Et ça aussi, ça fait quand même plaisir.

Tout est dans le t(h)on

Au chapitre des remarques un peu chagrines, j’ajoute aussi que j’aurais personnellement aimé un tout petit peu plus d’histoire pour ce thème qui avait tellement de potentiel. J’avoue que le pitch « ok, un vieux monsieur lance un caillou du haut de la falaise, faut aller le chercher, les gars »,  je l’ai trouvé un petit peu paresseux. Bon, ok, j’exagère un poil, c’est nettement mieux formulé en vrai, mais sur un thème quand même assez original, il y avait sûrement moyen de faire mieux.

Et, en ce qui me concerne, mais c’est là aussi purement une question de goût, heureusement qu’on a échappé au rallye automobile ! L’anecdote rapportée par l’un des auteurs dans le livret de règles est mignonne et très intéressante, mais l’adéquation du thème avec les mécaniques du jeu est juste super bien trouvée.

Open Bar

Pour les tout petits poissons et les poissons solitaires, vous trouverez également dans la boîte un mode simplifié, que j’évaluerais, grosso modo, à partir de 6 ans, et un mode solo. Plus précisément, un joueur automate, le chef du village, que vous pouvez ajouter aux parties pour jouer seul ou pour en corser la difficulté. Nous ne les avons pas essayés, nous ne pouvons donc pas en parler, mais nous saluons l’effort de diversification du jeu.

L’avis de Plateau Junior!

Dive nous arrive sous la forme d’une édition de toute beauté avec son bleu lagon dominant et une thématique engageante, couplées à une mécanique immersive. Ce jeu de perception et de prise de risque (car jamais vous n’aurez bon à 100% à moins d’avoir des yeux bioniques) propose, en outre, des modes qui introduisent de l’asymétrie, une ouverture aux plus jeunes et aux joueurs solo. Tout cela mis bout à bout fait de Dive un bien bel objet qu’on aura grand plaisir à sortir pour des parties rapides et sans temps mort, en famille avec nos juniors.

Et si, malgré la diversité des modes de jeu, vous trouvez le jeu encore trop répétitif, vous pouvez faire comme nous. Rangez le jeu un petit temps, passez à autre chose, et replongez vous-y plus tard avec gourmandise, pour enfin attraper cette mignonne petite tortue qui persiste à tenter de vous échapper.

On aime

  • les tuiles océan sont magnifiques avec leurs couleurs bien contrastées
  • plusieurs niveaux de difficulté
  • un peu d’asymétrie, comme on veut
  • des règles simples mais une vraie réflexion sur la prise de risque
  • un prix plus que raisonnable

On aime moins

  • le côté potentiellement répétitif du jeu
  • le petit doute sur comment les tuiles océan vont se tenir dans le temps
  • on aurait aimé un tout petit plus d’effort sur le pitch du jeu qui avait tellement de potentiel narratif

Votre Junior aimera si

  • Il aime la prise de risque ou il a des yeux bioniques
  • Il apprécie les thèmes à forte présence

Le trouver

Fiche Technique

  • Un jeu d’Anthony Perone et Romain Caterdjian
  • Illustré par Alexandre Bonvalot
  • Édité chez Sit Down!
  • Pour 1 à 4 plongeurs à partir de 8 ans
  • Parties de 30 minutes

Un commentaire

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Bouton retour en haut de la page