A partir de 8 ansJeux de plateauOn teste !

Test – Bad Bones

Du haut de la tour, Shiiznân Khuri scrute l’orée de la forêt. Il se tient là depuis l’aube, indifférent à la bruine glacée qui suinte le long de ses muscles saillants. Prenant appui sur la mousse gorgée d’eau qui recouvre la pierre, le barbare darde ses yeux clairs en direction des premiers arbres. Non loin de là, un corbeau, qui se délectait jusque lors d’un cadavre de mulot, décolle soudain. Les muscles de Shiiznân se tendent, à l’affût du moindre mouvement. Il risque un coup d’oeil vers l’est, et fait un signe de la main. Par delà le brouillard, au sommet d’une tour identique à la sienne, Baygheull, le nain de Pastrahami veille lui aussi. À la vue de l’agitation de Shiiznân, il se tourne lui aussi en direction de l’est. Au travers de la brume, une autre tour, encore, se dresse. Au sommet, Rrramayn Benth’o, la légendaire guerrière orque, pousse alors un terrible cri d’alarme en empoignant son arbalète.

Les feuilles des arbres bougent. Les branches s’écartent. Dans un insoutenable cliquetis, la horde de squelettes se montre enfin et déferle dans la clairière. Le village ne sera bientôt plus que cendres. À moins que les héros ne parviennent à gagner assez de temps pour permettre aux habitants d’évacuer ?

Préparez les pièges !!, hurle Shiiznân en levant sa fidèle épée Flamkuech !

Les squelettes, indifférents, se ruent à l’assaut.

Bad Bones est un jeu de stratégie pour 1 à 6 joueurs, à partir de 8 ans. Il est signé David Flies et est édité par Sit Down.

[Cet article a précédemment été publié sur plateaumarmots.fr, en voici une version mise à jour pour Plateau Junior.]

La parole est à la défense

Vous me pardonnerez, je l’espère, les facéties de cette intro longuette (j’avais faim), mais elle aura le mérite de vous plonger directement dans l’ambiance. Bad Bones, en effet, est un jeu de type Tower Defense, c’est-à-dire un jeu de placement stratégique qui consiste à retarder le plus longtemps possible un flot constant d’ennemis.

En plus des héros qui veillent au grain, chaque joueur dispose de nombreux pièges, activables à loisir. Les pièges ont de multiples effets, consistant le plus souvent à disperser les manifestants méchants squelettes, et les renvoyer à la case départ, c’est-à-dire au cimetière. Bien évidemment, ils n’y restent jamais très longtemps. Les pièges utilisés ont, en outre, tendance à s’abîmer. Il faudra donc veiller à les utiliser à bon escient pour éviter d’en perdre un au moment le plus mal choisi. La survie du village vous demandera donc de nombreux sacrifices.

Un jeu plein de ressources

Bad Bones est d’emblée remarquable en ce sens qu’il propose de nombreux modes de jeux pour s’adapter à votre niveau et/ou à votre envie du moment. Le jeu de base permet de s’amuser dès les premières parties et donne aux joueurs la possibilité de mettre tranquillement en place leurs premières tactiques. Mais au-delà du niveau avancé, plusieurs options sont ensuite activables à loisir, comme la possibilité d’armer les héros, de jouer avec des chefs squelettes badass, de jouer en coop’ plutôt qu’en compétitif, voire la possibilité de jouer solo : excusez du peu.

Bad Bones s’adapte donc volontiers à votre envie du moment, et vous permet de jouer rapidement en prenant en compte le niveau de chaque joueur. C’est génial pour les parties enfants/adultes, et ça méritait d’être signalé.

Une skeletonne de matériel

À l’ouverture de la boîte, on tremble un peu. Cette dernière pèse lourd, et on l’ouvre prudemment, de peur d’y trouver la dépouille du Roi Léoric, couronne comprise. Mais si le jeu fait ce poids, c’est qu’il n’est clairement pas chiche en terme de contenu. Et jugez plutôt : 6 plateaux de jeux, près de 200 jetons squelettes, 24 éléments de tours, des tuiles en pagaille et 6 figurines de héros plutôt réussies. Le seul regret portera justement sur ces dernières, toutes identiques. Même si chacun joue sur son propre plateau de jeu, il aurait été cool que chacun puisse avoir une figurine différenciée.

Mais c’est peanuts, vraiment, au vu du contenu. C’est lourd comme un trésor de guerre et c’est franchement agréable à l’oeil. Bref, prévoyez un petit quart d’heure de dépunchage pour tout sortir. Une poignée de petits sacs permettent de ranger tout ça.

La (grande) règle se décompose en deux livrets : règles de base d’une part, règles avancées et options d’autre part. C’est plutôt bien vu. On regrette en revanche que le texte soit parfois inutilement anxiogène pour un jeu de base franchement simple à appréhender et assimiler.  La règle est par ailleurs très détaillée et bien illustrée : impossible de vous y perdre, que ce soit pour le jeu de base ou les modes que vous explorerez ensuite.

Franchement, niveau contenu, on en a pour ses sesterces.

Bababababababad, baaaad to the bone

Chaque joueur se saisit d’un plateau de jeu individuel et place sa tour au centre. Cette dernière est composée de quatre éléments, étapes de sa destruction progressive. La partie nord, est et ouest du plateau est bordée par la forêt, zone d’apparition des squelettes. Au sud, c’est le village, la zone qui doit être défendue. Chaque joueur incarne donc le dernier rempart de sa propre zone.

La mise en place consiste à piocher quatre squelettes pour les placer sur leurs zones de départ respectives. Une iconographie bien imaginée permet de trouver intuitivement l’emplacement et l’orientation des squelettes.

Chaque joueur récupère ensuite les maisons de son village et les pièges auxquels il aura accès en cours de partie. Des tuiles cimetières sont également mises en place à proximité de chaque plateau de jeu.

Chacun place alors son héros sur la tour. La déferlante peut commencer.

“Vous tiendrez jusqu’à ce qu’on vous relève”.

Les squelettes apparaissent par la forêt et avancent ensuite en ligne droite. Cette imperturbable trajectoire sera modifiée en cours de partie par certaines cases du plateau et par l’effet des pièges.

Chaque joueur a donc deux objectifs :

  • dézinguer des squelettes pour les renvoyer dans la pioche
  • expédier des squelettes sur le plateau de ses adversaires, pour leur pourrir la vie.

Le but du jeu, c’est de tenir le plus longtemps possible en subissant le moins de dégâts possibles.

Pour se concentrer dans un premier temps sur le jeu de base (c’est avec lui que vous jouerez l’essentiel de vos premières parties), la phase de jeu se décompose ainsi.

  • Le déplacement du héros
  • La pose (ou la récupération des pièges)
  • Le déplacement des squelettes

Vous voyez, spa bien dur.

Le déplacement du héros

À son tour, un héros doit se déplacer d’une case. Une seule. Si le héros arrive sur une case sur laquelle se trouvent un ou plusieurs squelettes, il les fracasse. Tous. Comprenez par là qu’il les envoie directement dans le sac de pioche.

Faire plus simple, on peut pas.

Les pièges

Les pièges constituent bien évidemment la partie la plus jubilatoire du jeu. Dans la mesure où le trajet des squelettes est rapidement identifié, il sera assez aisé de poser des pièges efficaces et retors pour exploser du squelette par charrette.

Le terme pièges, notez bien, comprend tout ce qui peut permettre de ralentir la progression des squelettes. Cela inclut bien évidemment des murs de défense et de catapultes, mais aussi de solliciter l’intervention d’un dragon ou de balancer le trésor du royaume par les fenêtres pour attirer les cupides squelettes.

Dans le mode de jeu avancé, les pièges sont plus nombreux et souvent rigolos, comme des labyrinthes, des ressorts, des bombes, ou même des corbillards (que les squelettes ne peuvent s’empêcher de suivre).

Chaque piège dispose d’un effet propre, et on en vient rapidement à l’envie de créer des combos, c’est-à-dire une chaîne d’effets permettant d’intercepter tout squelette en goguette pour l’envoyer directement sur le plateau de l’adversaire.

Mais attention, un piège déclenché devient abîmé. S’il n’est pas sorti du jeu pour être réparé, il sera détruit pour de bon à la prochaine activation.

La marche claudicante

Une fois les pièges posés, c’est au tour des squelettes. Leur marche est fort simple à gérer et très bien conçue : chaque jeton squelette est blanc d’un côté et noir de l’autre. À chaque déplacement, on retourne le jeton,  ce qui permet immédiatement de savoir qui s’est déplacé ou non.

Les squelettes avancent systématiquement sur la prochaine case de leur trajectoire. Si la case qu’ils atteignent présente une flèche de direction, les squelettes doivent alors la suivre et se réorienter en conséquence. Il en va de même si les squelettes arrivent sur la case qui contient un piège : ils en subissent tous les effets, même s’ils ne proviennent pas de la même case.

Si les squelettes semblent assez inoffensifs aux premiers tours, ils sont renforcés à chaque fin de tour par 3 nouveaux arrivants, piochés dans le sac. Largement de quoi vous rendre la vie très compliquée au terme de 5 ou 6 tours si vous n’avez pas envoyé votre héros faire le ménage.

Fin de partie

Lorsqu’un squelette touche la tour centrale ou le bord sud de la carte, il est détruit et emporte avec lui une maison ou un étage de la tour. La partie s’arrête dès que l’un des joueurs a perdu sa tour complète ou l’ensemble des maisons de son village. La partie prendra fin au terme du tour, et seuls ses adversaires n’ayant pas subi le même sort que lui auront le droit de comptabiliser leur score et de prétendre à la victoire.

Chaque élément encore en jeu (pièges, étages de tour) rapporte alors des points : le joueur ayant le mieux géré ses ressources sera le champion de Bad Bones.

Modes de jeux et variantes

Pour pimenter les parties, l’auteur du jeu a pensé à plusieurs modes de jeux et options particulièrement savoureux.

Dans le mode avancé, par exemple, vous disposez d’une somme allouée au départ vous permettant d’acheter les pièges et armes de votre choix. Vous pouvez donc mettre en place une stratégie en fonction des pièges achetés, bien plus variée que pour la version de base.

Il vous sera donc aussi possible d’armer votre héros, ce qui lui donnera une force de persuasion significative lors des combats. En fonction de l’arme choisie, il pourra fracasser les squelettes alentour, modifier leur trajectoire ou se téléporter où bon lui semble pour gérer certains urgences. Comme vous vous en doutez, l’utilisation des armes est liée à certains prérequis qu’il faudra pouvoir satisfaire en cours de jeu…

Si vous trouvez le jeu trop simple, sachez qu’il est également possible de faire apparaître des chefs squelettes, dotés de pouvoirs aussi amusants que contrariants. Sabotage de pièges, invocation de squelettes, ou destruction violente de la tour, les effets des chefs squelettes sont souvent déterminants dans le rythme des parties.

Notez pour finir qu’il est également possible de jouer en coopératif ou en solo, au moyen de plateaux et d’aides de jeux dédiés.

Iouuu châle notte passe

On critique assez souvent les jeux avec plateaux individuels pour le manque d’interaction entre joueurs. Mais ce n’est pas vraiment le cas ici, et ce pour deux raisons. La première, c’est que dans Bad Bones, tous les joueurs jouent en même temps, ce qui permet d’éviter d’attendre bêtement son tour. La seconde, c’est que même si elle est subtile, l’interaction entre les joueurs est bel et bien présente, et parfois très présente, lorsque l’on se retrouve à devoir gérer une grosse poignée de squelettes indésirables, généreusement envoyés par les voisins.

On aime aussi la possibilité de pouvoir créer des tactiques très différentes en fonction du mode de jeu choisi. La possibilité d’acheter ses pièges, par exemple, permet de définir des stratégies basées sur le fight en masse ou au contraire sur la réorientation systématique des ennemis, ce qui sera toujours rigolo à jouer.

La seule chose que l’on pourra reprocher à Bad Bones est d’être assez impitoyable dans les différences de niveaux entre joueurs, mais il sera toujours possible d’attribuer un handicap aux “grands”, comme un ou deux étages de tour en moins, pour retrouver un juste équilibre.

Mechanical dolls

Cette escalade de superlatifs ne veut pas pour autant dire que Bad Bones plaira à tout le monde. Si vous êtes allergiques aux jeux très mécaniques, avec des ennemis suivant une trajectoire définie et prévisible, un peu à la manière de Zombicide, vous trouverez peut-être Bad Bones répétitif tant il repose justement sur la prévisibilité des mouvements des squelettes. Et si l’aléatoire est présent puisque le point de départ de chaque squelette est tiré au sort, il s’efface ensuite pour une mécanique bien huilée qui répétera son rythme jusqu’au dénouement. C’est un peu le propre des Tower Defense, évidemment, mais nous savons aussi qu’il s’agit d’un genre qui pourra décontenancer certains joueurs. Autant être prévenus.

L’avis de Plateau Junior

Servi par un matériel impeccable et efficace, Bad Bones génère tout de suite l’envie tant son matériel est réussi. Fort de règles simples et accessibles, il permet de se lancer très vite dans une partie et d’expérimenter ainsi son sens du placement stratégique. Les règles de base suffisent en effet pour de longues parties , et il sera ensuite possible d’incorporer les éléments de la version avancée en douceur, quand l’art de la déferlante squelettique fera partie des habitudes de chaque joueur. On apprécie réellement le fait que tous les joueurs jouent en même temps, ce qui évite les frustrations de l’attente. Quant aux règles et aux aides de jeu, elles sont vraiment bien conçues.

Alors oui, on aurait aimé pouvoir placer quelques bons mots du type “y’a comme un os”, ou “un jeu très crâneur”, mais la vérité est qu’il n’y a pas grand-chose à reprocher à Bad Bones tant il est réussi.

Amusant, tactique et accessible, Bad Bones est un must-have dans le domaine du Tower Defense Fantasy, qui saura aussi bien faire découvrir le genre aux Juniors de 8 ans qu’engendrer des parties épiques et passionnantes pour les grands marmots de tout poil.

On aime

  • Une excellente initiation au genre tower defense
  • Un contenu conséquent
  • Possibilité de jouer solo, coop’, compétitif
  • Pas de temps morts
  • La règle bien foutue
  • La variété des pièges
  • Les armes
  • Les chefs squelettes
  • Une tension toujours vive

On aime moins

  • Un genre qui ne plaira pas à tout le monde
  • 6 héros identiques

Le trouver

Chez Philibert


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Fiche Technique

Un jeu de David Flies
Illustré par Aoulad, Oliver Mootoo, Alexander Brick
Édité par Sit Down
Pour 1 à 6 joueurs
A partir de 8 ans
Sortie en 2019

Un commentaire

  1. Nous avons pu le tester au festival Trolls et légendes de Mons. C’est effectivement un jeu très sympathique, mêlant individualisme avec la gestion de son propre plateau, et pourrissage en règle des adversaires avec les possibilités de leurs fourguer des squelettes supplémentaires.
    Seul bémol: en dessous de 4 joueurs, je pense que la synergie devient un peu moins fun.

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