A partir de 12 ansJeux inclassables

Test – Vektorace

C’est le petit matin sur la piste. Un vent tiède remonte déjà de la vallée, caressant les murs de pneus. Ne parvenant pas à trouver le sommeil, vous avez décidé de faire quelques pas le long du tracé. Le virage sept en deux, puis trois, quatre jusqu’au huit, passer en trois, reprendre en quatre, cinq, six, freiner tard pour la chicane. Vous connaissez chaque centimètre de piste par cœur. Alors que vous remontez le tracé, foulant l’asphalte poussiéreux sur les bas-côtés, vous ne pouvez vous empêcher de sourire en croisant d’autres pilotes ou mécanos, tout aussi insomniaques que vous. Et alors que vous approchez de la célèbre épingle dite « la tasse », vous ne pouvez que soupirer quand vous entendez la voix de votre Junior vous rappeler à l’ordre :

– Oui, mais tu vois ça c’est MA tasse ! Prends tes propres affaires si tu veux mettre des obstacles sur le circuit.

Spartaco Albertarelli, Davide Ghelfi|  Davide Ghelfi
Kaleidos Games / Ludistri
2 à 4 joueurs| 12 ans et + (mais en vrai, très très largement avant) | 30 min environ | Course de tutures
Ce jeu nous a aimablement été mis à disposition par Ludistri

De nouveaux horizons ludiques

Vektorace est un jeu de course aussi original qu’addictif, qui va vous permettre, à vous et vos enfants, de repousser les frontières du jeu tel que vous le connaissiez. Car mine de rien, ce surprenant jeu de course va vous permettre d’introduire la notion de déplacement libre, de vecteurs et de gabarit. Pas de dés, pas de cartes, pas de cases, juste votre bolide face à la piste qui doit négocier les virages et la présence des adversaires. Accessible, rapide, fun, Vektorace est un peu un condensé de tout ce que vous avez toujours voulu trouver sur un jeu de course adapté aux enfants. Mais enfilez votre combi, on va vous expliquer tout ça.

Les cases ? Là où on va, on n’a pas besoin, de cases.

De Monza à Formula Dé en passant par Downforce, les courses de tutures souffrent un peu toutes du même mal : une volonté farouche de représenter la furie de bolides qui déboulent à 300 km/h en les parquant dans des cases, ce même outil de représentation de jeu que l’on utilise pour savoir qui du chien ou du chapeau aura le droit d’acheter la rue Lecourbe en premier. Quelle que soit la qualité du jeu (j’adore Rallyman GT, par exemple) il y a toujours un côté frustrant de se dire que bon, on prend l’aspi, on déboîte et on passe, mais que tout est cloisonné par des cases, à l’opposé absolu de la relative liberté qu’est censée offrir une piste de circuit automobile.

C’est pourquoi je voulais partager avec vous la joie profonde qui est la mienne quand je lance une partie de Vektorace, un jeu au nom assez peu parlant (moi, en souvenir du collège, quand on me parle de vecteurs je fais directement un malaise) pour un plaisir de jeu (j’allais dire « de pilotage ») absolument génial. C’est simple, c’est rapide, c’est vif et c’est addictif… Le jeu fonctionne sans plateau, car le tracé est délimité par des tuiles virages que vous placez où bon vous semble sur votre table de jeu. Une liberté totale dans les tracés et dans les déplacements, voilà qui fait du bien pour un jeu de bagnoles.

Donc on prend son casque, on dégage sa plus grande table, et on se lance dans un jeu de caisses comme vous n’en avez probablement encore jamais connu.

Sont où les peaux de bananes et les carapaces de tortues ?

Je vais d’emblée décevoir les amoureux des Fous du Volant, de Rush & Bash et autres Hollywood Racers, Vektorace est un jeu 100% racing, où la seule fantaisie (optionnelle) sera l’ajout de nitro pour des boosts bien pratiques pour s’échapper de la mêlée, et une – légère – gestion des contacts entre les bolides. Pour tout le reste, ce sera moteurs, pneus, trajectoires et gros freinages, mais traités sous un mode light. Vektorace n’a pas du tout la prétention d’un jeu de gestion et mise tout sur le fun et les sensations de jeu immédiates. Et vous allez voir que, de ce point de vue, le jeu enfonce la pédale d’accélérateur dès l’ouverture de la boîte.

On ouvre le capot ?

Eh oui : Vektorace envoie du gros dès l’ouverture avec de très jolies voitures en carton, de belle taille de surcroît. Les voitures fournies ont un look Nascar Cup Series, mais rien ne vous empêchera de créer les vôtres, car il est très simple de reproduire le modèle et de le coller sur un socle équivalent. Les voitures, en effet, sont essentiellement composées d’un socle en carton rigide sur lequel est collé un papier plié. Comme vous vous en doutez, des templates sont dispo sur Board Game Geek ou sur le site officiel de Vektorace. Largement de quoi vous faire plaisir avec les bolides de vos rêves.

Comme cela a été subtilement suggéré en début de post, Vektorace ne propose pas de plateau de jeu : votre circuit sera créé directement sur votre table de jeu, des virages numérotés (ou des objets !) serviront à délimiter le tracé. Cela ne manquera pas d’ouvrir de nombreuses perspectives de jeu, la taille des circuits ne dépendant finalement que de la taille de votre aire de jeu.

Outre les voitures et les marqueurs divers (pneus, nitro, etc.), le jeu contient également des séries de réglettes, dénommées vecteurs. L’idée de ces gabarits, c’est de déterminer la position de votre véhicule sur la piste et d’indiquer ses possibilités de mouvement en fonction de sa vitesse : je vous explique cela juste un peu plus bas. Mais on retiendra que le jeu ne contient ni plateau ni dé, et que son esprit est bien plus proche d’un jeu de combat de figurines à la X-Wing que d’un bon vieux Formula Dé.

Comptez sur le livret de règles pour vous lancer sur la piste, il est court, très illustré, et il permet de s’amuser dès la première course.

Count on me I’m gonna win the race
Count on me I’m gonna win the race

Posons les choses simplement : si vous avez déjà joué à un jeu de figurines, vous savez intuitivement jouer à Vektorace (et vous voyez grosso modo comment ça va se passer). Pour les autres, je vais vous expliquer ça en moins de temps qu’il n’en faut pour signer un chrono sur Nordschleife.

Lorsque vous mettez en piste votre fringant bolide, vous prenez également en main une série de vecteurs, qui vous permettront de déplacer votre voiture. Chaque vecteur est en fait une réglette de carton, plus ou moins longue, qui correspond à la vitesse de votre voiture. Si vous êtes en 1re, le carton est très court, et beaucoup plus long si vous êtes en cinquième. Pour jouer, il faudra donc poser une réglette devant votre voiture et appliquer le déplacement indiqué. Au bout de chaque réglette, en effet, des flèches vous indiquent quel peut être le positionnement de votre voiture en fin de mouvement. Plus vous allez vite, et plus il sera compliqué de prendre des virages serrés.

Dans ce mode de jeu, vous ne pourrez utiliser que les flèches blanches qui se trouvent au bout des vecteurs. Mais vous verrez rapidement comment utiliser les flèches noires, qui permettent des virages bien plus serrés.

Une fois votre mouvement achevé, vous devrez immédiatement décider quel rapport de vitesse vous allez engager ensuite. Vous devrez le choisir sans mesurer la distance, au jugé, et le conserver en main (ou le poser devant vous) jusqu’à votre tour. Lorsque vous choisissez un rapport, il doit être égal à celui que vous aviez lors du mouvement précédent, ou alors directement supérieur ou inférieur. Dit autrement, si vous étiez en 4e, votre prochain déplacement pourra se faire avec le vecteur 3, 4 ou 5.

Les joueurs jouent chacun leur tour, l’ordre du tour de jeu étant redéfini à chaque nouveau tour, le joueur en tête devenant premier joueur (ce qui évite de bloquer la piste pour les suivants). Le vainqueur sera tout simplement le premier à passer la ligne.

Et… c’est tout pour les règles de base ! Vous pourrez ainsi faire quelques tours de piste avec des enfants assez jeunes (5 ou 6 ans, sans souci) et les faire appliquer ce principe très simple et très intuitif de déplacement.

Montée en régime

Si les premiers tours de pistes sont volontairement simples (mais déjà riches en sensations !), de nombreuses options permettent évidemment de densifier la course et de la rendre bien plus tactique pour les joueurs plus âgés, à partir de 7 ou 8 ans. Tout ajout, à ce stade, devient optionnel, et ce sera au joueur de fabriquer son degré de simulation en fonction de ses envies ou de l’appétit des joueurs.

Les deux principaux ajouts qui viendront pimenter vos courses, ce sont les pneus et le boost. Concrètement, il s’agit de jetons que vous allez pouvoir dépenser en course de jeu pour permettre à votre bolide d’effectuer des actions un peu plus spectaculaires. L’idée de base, c’est que chaque pilote démarre avec un nombre de 8 jetons panachés au bon vouloir du joueur.

Traces de pneus

Les jetons pneus sont utilisés pour autoriser des manœuvres plus risquées, indépendamment de la vitesse. Ils permettent de plus gros freinages en ignorant les contraintes de rétrogradation. Vous êtes à fond de 5 et vous arrivez trop vite sur le virage ? En temps normal vous devriez le prendre en 5e ou en 4e, mais dépensez deux jetons « Pneus » et vous voilà autorisé à le prendre en Seconde puisque chaque pneu dépensé vous permet de passer un rapport inférieur supplémentaire.

Cramer un pneu vous permet également d’utiliser les flèches noires des réglettes, permettant des virages plus serrés et des déplacements latéraux plus osés. Évidemment, il faudra savoir gérer son capital pneu, ou… prendre le temps de passer au stand pour le reconstituer.

Nitro, ni trop peu !

La nitro, quant à elle, vous permet évidemment de passer les rapports supérieurs plus rapidement, mais surtout d’accéder au boost, c’est-à-dire des segments de réglettes supplémentaires qui viennent prolonger votre déplacement. C’est évidemment idéal pour les dépassements, même s’il faudra souvent écraser les freins juste après.

De nouvelles possibilités

Le jeu gère également l’aspiration, les dépassements et les passages aux stands de manière très simple et intuitive, sans que ce ne soit jamais prise de tête. Et c’est en cela que Vektorace impressionne : il gère à la perfection ses propres limites. Car oui, dans tout jeu de figurines, les déplacements sont parfois imprécis et les voitures ne sont pas placées au millimètre près. Mais cela n’a ici aucune importance tant que le fun reste en place et que l’élan de la course n’est pas brisé. Évidemment, certains ayatollahs du millimètre viendront crier au scandale, à la triche et à l’hérésie de jeu. Évidemment les mains d’enfants sont moins précises que celles d’un joueur de Warhammer 40k qui sait qu’il s’expose à une excommunication Horusienne s’il fait tomber la moindre figurine. Mais si on part de l’idée que le fun àpeupresque doit primer quoiqu’il arrive, on s’éclate avec Vektorace.

C’est un jeu de racing, un vrai, que l’on peut moduler à sa sauce, mais surtout en s’assurant que le spectaculaire prime sur le réalisme. Et la possibilité offerte de décider au départ de son panachage entre nitro et pneus permet de piloter en fonction de ses envies, en jouant sur des manœuvres fofolles ou sur des réaccélérations foudroyantes. Un vrai plaisir de tester tout cela.

On notera enfin qu’il est possible de rendre le jeu encore plus asymétrique en donnant à chaque joueur un « pouvoir » qu’il sera le seul à posséder pour la course (et utilisable une seule fois). Là aussi, de quoi varier les plaisirs et surprendre les adversaires.

L’avis de Plateau Junior (Olivier)

En dépit d’un nom assez peu engageant, Vektorace s’impose sans conteste comme le meilleur jeu de courses de voitures disponible sur le marché pour ceux qui sont à la recherche de grosses sensations de jeu et de courses animées. Le choix du modèle de déplacement (qui permettra ensuite de glisser vers X-Wing) est particulièrement pertinent pour des enfants / ados, plus branchés aspi et dépassement au bout de la ligne droite que sur la gestion du poids du carburant embarqué et du budget R&D à réserver pour les tests en soufflerie. De ce point de vue, Vektorace est un modèle du genre, qui permet de transformer n’importe quelle table de jeu en circuit qui dépote. Le jeu sent bon l’huile de moteur, le V8 qui gronde et le riff de guitare, c’est un jeu qui mise sur le plaisir de se tirer la bourre, de se dépasser en nitro et de se faire reprendre au freinage par un adversaire qui aura su capitaliser sur ses gommes. Mais c’est aussi un jeu qui permet de s’initier à l’appréciation des distances et au plaisir de trouver le meilleur angle possible pour prendre un virage. Un pur moment de fun que l’on conseillera sans réserve à tout enfant ou ado amateur de racing, sans plateau de jeu ni cases, pour une idéale initiation à un univers de nouveaux jeux qui ont su s’en affranchir. Indispensable, tout bêtement.

On aime

  • De très belles sensations de racing
  • Une chouette liberté d’action
  • Prendre l’aspi et freiner tard
  • Des circuits à inventer soi-même
  • Plein d’options pour rendre le jeu plus ou moins complexe
  • Bien plus accesssible qu’on ne l’imagine (on peut attaquer sans souci à 6 ou 7 ans)

On aime moins

  • Il aurait été cool d’avoir des exemples de tracés, pour se faire la main
  • A quand un mode « Destruction derby », avec gestion des dégâts ?

Le trouver

 

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