A partir de 8 ansJeux de plateauOn teste !

Test – Dragondraft

Oyez, oyez, braves lecteurs, la foire annuelle va bientôt ouvrir ses portes dans l’enceinte du château. Les attractions commencent à se monter, les spectacles à s’organiser, le public investit les allées ; cette effervescence fait vraiment plaisir à voir ! Au milieu de la foule (en délire), vous remarquez au loin une grande tribune surmontée d’une pancarte en bois sur laquelle vous pouvez lire :

URGENT
Recherchons un directeur de Casting
Contacter Monsieur Ha-Ba pour plus de renseignements.

Intrigués, vous faites le tour de la scène et arrivez devant une petite salle pleine de Kobolds qui s’agitent dans tous les sens. Au fond, près du feu, se tient un vieux bonhomme à la barbe aussi blanche que la mousse d’une bonne pinte. Pas le temps de faire demi-tour, le voilà qui vous apostrophe : « Hé, vous là-bas, ça vous dirait de filer un coup d’main ? On doit auditionner les candidats et on a pas trop l’temps là ; je dois finaliser le spectacle. Ça va être l’attraction du siècle ! »

En voilà une mission intéressante : vous n’hésitez pas très longtemps et acceptez avec entrain. D’autant plus que les aspirants au premier rôle semblent vraiment chauds-bouillants. Oui oui, mieux que la télé-réalité, ce ne sont pas des candidats écervelés que vous allez auditionner aujourd’hui… Ici, on embauche… des dragons ! De quoi raviver la flamme de votre existence et pimenter un peu votre CV… banco !

Venez découvrir Dragondraft, un jeu de collection et de stratégie créé par Benjamin Schwer, illustré par Stephan Lorenz et édité chez Haba. Il propose à 2 à 4 Juniors de 8 ans et plus de recruter quelques bestioles à écailles pour leur spectacle de fin d’année d’une durée de 30 minutes environ.

[Ce jeu nous a été gracieusement mis à dispo par l’éditeur. Non pas que ça change quoi que ce soit à notre avis, mais au moins vous êtes au courant :)]

Un nouveau hit dans la gamme ?

Avec Dragondraft, Haba revient avec un jeu qui s’inscrit dans la continuité de sa gamme « Soirée Jeux ». Cette gamme, c’est avant tout des jeux qui s’adressent aux juniors dès 8 ans et qui se veulent aussi fun pour les enfants que pour leurs parents. Certains titres (Iquazu, Roi et Compagnie pour ne citer qu’eux) sont d’ailleurs plébiscités par les joueurs casual pour passer un bon moment ludique, que ce soit avec ou sans enfants.

Forte de mon expérience ludique passée en jouant à des titres comme Miyabi, The Key, Le Club des moustaches ou, de manière encore plus significative, Honga (qui a su mettre tout le monde d’accord à la rédac’… et à la maison !), c’est pleine d’entrain que j’ai abordé Dragondraft dès que j’ai eu la précieuse boîte entre les mains. Je me préparais donc à découvrir un jeu aussi convivial et plaisant que ses grands frères. Comme vous vous en doutez, ça ne s’est pas passé exactement comme prévu.

Trop d’attentes sur le jeu ? Un Junior moins réceptif aux jeux Haba ? Un jeu en deçà de ce que l’éditeur nous avait proposé jusqu’ici ? Un peu de tout cela, sans doute : ma déception a hélas été à la hauteur de mon impatience.

Voici donc le récit de mon voyage chaotique au temps des dragons et des spectacles médiévaux.

Du matériel specta(cle)ulaire

Aborder un nouveau jeu avec des marmots, c’est tout un art. Un véritable spectacle qu’on se doit de leur offrir au moment d’ouvrir la boîte. Mettre en scène le matériel, créer un univers, c’est extrêmement important : c’est le gage de leur immersion dans la partie.

Pour les Juniors, même s’ils sont légèrement plus vieux, c’est tout aussi primordial. Ce n’est pas parce qu’ils sont presque « grands » qu’il faut négliger la forme au profit du fond. Parce que, nos juniors, ils ont vite fait de jeter un jeu au cachot aux oubliettes si leur rencontre avec ce dernier se fait en demi-teinte. Et, bien souvent, les premières impressions ludiques sont déterminées dès la découverte des différents éléments de jeu.

Dans Dragondraft, aucune surprise de ce côté là. Comme a son habitude, Haba n’a pas lésiné sur les moyens, voyez-par vous même :

On retrouve un grand plateau central qui accueillera les dragons, ces prétendants au premier rôle, ainsi que 4 plateaux individuels. Il s’agit des dépôts dans lesquels seront fabriquées les tribunes pour installer les futurs spectateurs. Ces derniers sont d’ailleurs représentés par la piste de score en haut du plateau central, piste sur laquelle avanceront nos tuiles « spectateurs » (une par joueur) pour marquer les points de chacun au fil de la partie.

On trouve également des cartes « Dragons », « Kobolds » et « Chardons Nauséabonds » qui seront au coeur de la mécanique de jeu. Bien que de petite taille, elles sont finalement parfaites pour les mains de nos Juniors. Mention spéciale à l’illustrateur qui a su nous faire esquisser un sourire tant ces petits dragons acrobates, jongleurs et équilibristes sont mignons et collent vraiment à la thématique du jeu. On est bien loin des méchants cracheurs de feu et on reconnait bien là l’univers Haba.

Mais l’effet Waouh vient incontestablement des gros pions en bois, marqueurs des différentes améliorations que l’on achètera au cours de la partie (nous y reviendrons).

Ils sont au nombre de 5 : cuisses de poulet, feux d’artifice, flacons de parfum et crocs de dragon, le dernier étant un gros mouton en bois blanc qui rejoindra la main du premier joueur. Je peux vous faire une confidence ? J’ai eu à nouveau 5 ans, en les découvrant. Avec une seule envie : les triturer dans tous les sens, tellement ils sont mignons et agréables à manipuler. Junior, lui, s’est amusé à faire une petite pyramide de meeples : un vrai jeu dans le jeu, on a adoré.

Quelques couacs dans le casting

Dans Dragondraft, nous devons repérer les stars de demain au sein d’un groupe de dragons, tous plus talentueux les uns que les autres. Ces derniers défileront devant nous sur la piste centrale et il faudra se dépêcher de les attirer dans notre main. En résumé : Dragondraft est une course au recrutement. Les joueurs tentent de se constituer la plus belle collection de dragons-artistes, pour mettre en scène le plus beau des spectacles… et glaner un maximum de points de victoire au cours de la partie.

Passons rapidement sur la mise en place individuelle qui est assez simple. Elle consiste à distribuer les plateaux individuels à chaque joueur et déterminer celui qui entamera les auditions. Il récupère le pion « mouton » et vous serez alors presque prêts à vous lancer.

Mais, pas tout à fait, car le plus gros du travail aura lieu sur le plateau central.

Le plateau central se lit de gauche à droite, malgré des dragons qui ne semblent pas dans le bon sens ^^ De ce fait, les lignes s’entendent du bord gauche au bord droit du plateau et les colonnes de la piste de score au bas du plateau. Il y a donc 4 lignes et 10 colonnes.

Et honnêtement, c’est assez laborieux. Il faut mélanger l’intégralité des cartes (à l’exception des cartes « chardons ») et les disposer sur chaque emplacement du plateau commun de gauche à droite.

Juste 40 cartes à battre et installer, vous allez me dire que je chipote et que je m’offusque d’un rien. Et vous auriez surement raison si cette étape n’intervenait qu’en début de partie.

Sauf qu’ici, on refait cette manipulation entre chaque manche. Et là, je vous assure que ça devient vraiment pénible. On doit, à chaque fois, nettoyer le plateau en récupérant toutes les cartes, y compris celles devant chaque joueur qui seront, le plus souvent, organisées en pile de couleur. Il faut donc les mélanger longuement pour « casser » les suites avant de les réinstaller sur le plateau central. Et on répètera tout ça, 5 fois, une fois par manche.

C’est long… beaucoup trop long. Ça casse le rythme du jeu et on perd, au passage, l’attention des juniors. Bref, ça nous a clairement gonflés. Habitués au rythme ininterrompu de Roi et Compagnie, là, on s’est regardés, un peu dubitatifs avec Junior, en se disant : « Mais… finalement… On passe presque plus de temps à installer qu’à jouer. C’est pas top ! ».

La piste est à vous, montrez-nous votre talent !

Outre la petite crispation due à l’installation, Dragondraft est assez fluide et se joue vraiment rapidement. Les 5 manches sont identiques et la mécanique sera très vite assimilée par les juniors, presque dès le premier tour de jeu.

Dans ce jeu,  il y a cinq grandes familles de dragons-artistes, symbolisées par des couleurs :

  • Les dragons « cracheurs de feu » rouges
  • Les dragons « magiciens » violets
  • Les dragons « voltigeurs » bleus
  • Les dragons « gymnaste » verts
  • Les dragons « musclés » jaunes

Chaque famille de dragon a sa propre façon de rapporter des points et celle-ci est rappelée en haut de leurs cartes. De manière générale, ils attirent plus ou moins de spectateurs en fonction du nombre de dragons que vous avez recrutés. Mais il y a également un seuil de déclenchement.

Ainsi, par exemple, chaque dragon rouge vous rapportera 4 points mais seulement à partir du moment où vous aurez recruté 3 dragons de cette même couleur pour votre spectacle. En dessous de ce seuil, vous ne marquerez pas de point pour cette catégorie. Certaines familles vous demanderont d’être le joueur qui possède le plus d’un type de dragon et d’autres (les verts) vous feront gagner de plus en plus de points à mesure que votre collection s’agrandira.

Vous l’avez compris, donc, les seuils de déclenchement sont spécifiques à chaque famille. Pour autant, ils ne reflètent pas la rareté de la couleur dans le tas de cartes. J’ai trouvé ça vraiment dommage parce que ça semblait presque logique de trouver beaucoup moins de dragons rouges à 4 points que de dragons bleu à 2 points.

Cela aurait sûrement permis de gommer un des plus gros défauts du jeu, que j’évoquerai un peu plus loin. Dans tous les cas, sachez que plus vous serez de joueurs autour de la table, moins le jeu sera frustrant, un vrai déséquilibre qui nous a beaucoup gêné, Junior et moi.

De l’art de déplacer des dragons couchés

La première chose qui choque, sur Dragon Draft, c’est le sens de lecture du jeu. Comprenez par là que le jeu se joue avec le plateau posé à l’horizontale, alors que les cartes dragon sont orientées… à la verticale. Bref, on a l’impression que les dragons sont couchés, et lors des premières parties on a en permanence un doute sur le sens du jeu.  C’est un peu dommage, surtout lorsque l’on joue avec des enfants, parce que ça rend le jeu moins immersif.

Bref : ne vous faites pas de torticolis et attaquez la partie !

Un dragon sachant jongler… doit rejoindre votre main !

Dragon Draft se joue en deux étapes successives. Il va tout d’abord falloir attirer les dragons de la piste centrale pour les ajouter à notre main.

À son tour de jeu, le joueur recrute l’un des dragons de la piste, au choix. Mais attention, tous n’ont pas le même « coût ». Pour schématiser, les dragons « défilent » de gauche à droite, c’est à dire qu’ils rentrent par la gauche du plateau et ressortent par la droite. Dans les faits, les cartes ne bougeront pas de leur emplacement (et heureusement ! C’est déjà assez pénible de les installer) mais il est toutefois très important d’assimiler ce schéma.

On considère alors les différentes colonnes successives. Si le joueur choisit un dragon qui vient d’arriver en piste (donc sur la colonne la plus à gauche), parfait ! Il a su détecter précocement son talent ; il le prend et l’ajoute à sa main sans coût supplémentaire.

Mais dès les colonnes suivantes, le joueur doit se frayer un chemin pour atteindre sa cible. Il doit sauter par dessus les dragons des colonnes précédentes pour atteindre le dragon désiré. Et la sanction tombe : il prendra alors autant de cartes « Chardons Nauséabonds » que de dragons ignorés sur la ligne, en partant toujours de la gauche du plateau. Ces cartes s’ajouteront également à sa main en plus de la carte dragon.

Rien de bien méchant, me direz-vous. Sauf que la main du joueur est limitée à 9 cartes et que l’ajout de la neuvième carte sonne la fin de la manche pour ce joueur. Prendre trop de chardons, c’est donc s’infliger une double peine : on finit avant tout le monde et en plus, nos collections de dragons sont bien minces, ce qui n’augure rien de bon pour le décompte de points.

Chez nous, les premières parties ont été assez compliquées : Junior râlait parce qu’il devait attendre qu’on finisse de jouer, son père et moi. Trop gourmand, mon Huit’ans avait complété sa main en deux tours. Et ça lui semblait interminable. Alors, las de regarder les autres s’amuser pendant que, lui, attendait dans la loge, il a bien vite adapté sa stratégie (pas toujours payante, mais, ça, c’est une autre histoire !) . Je crois bien qu’il a fini par comprendre, malgré lui, que Maman a toujours raison : être trop gourmand, dans le jeu, comme dans la vie, c’est jamais une super idée. 

D’autant plus que, au fur et à mesure que la manche avance, la patience va finalement payer. Les colonnes vont progressivement se vider et les dragons les plus à droite du plateau deviendront alors accessibles à moindre coût. En effet, on ne prend un chardon que lorsqu’on « saute » par dessus une carte mais pas quand on passe par dessus un emplacement vide. Un peu moins punitif pour le coup.

Ici, pour prendre le dragon bleu de la première ligne (en haut du plateau), le joueur devra accepter de prendre 2 cartes « chardons » car il saute au dessus du dragon violet et du dragon rouge. Il ne prend pas de carte pour les espaces vides.

En tout cas, Dragondraft représente un vrai challenge pour nos juniors ! Il ne faut pas quitter le plateau des yeux et surveiller les actions de chacun des adversaires. Ils vont devoir anticiper ce qu’ils pourraient prendre ou laisser sur le plateau pour réussir à optimiser leurs propres captures.

« Si papa prend celui-là, alors ça ne me coute que 2 chardons pour prendre le vert là bas. Mais si maman décide de le prendre, je vais devoir prendre 4 chardons en plus de ma carte. Pas possible. »

Croyez-moi, cette gymnastique de l’esprit, c’est vraiment pas évident, même pour nous, parents. À l’inverse d’Honga qui se voulait très accessible, ici, l’âge de 8 ans indiqué sur la boite est vraiment un minima à respecter. J’aurais même tendance à ne conseiller Dragondraft qu’à partir de 10 ans, tant cet aspect « programmation » est omniprésent dans le jeu et peut gêner nos Juniors tout au long de la partie.

Votre équipe de dragon étant maintenant au complet (comprendre : chaque joueur a 10 cartes en main) , il est temps de passer à seconde étape : la préparation du spectacle. Rien de bien compliqué : on dévoile sa main et on classe ses cartes par type. Puis on compte les points et on avance son pion sur la piste de score.

Vous voilà prêts à aborder Dragondraft, vous en connaissez maintenant tous les secrets. Mais, avant de vous lancer dans la partie, permettez-moi de vous garder encore un peu avec moi pour vous parler d’un autre aspect du jeu.

Haba nous propose deux variantes pour adapter la difficulté : un mode « débutant » et un mode « normal ». Pour passer de l’un à l’autre, il suffit de retourner le plateau individuel. Le gameplay reste en tout point identique à une exception près : l’utilisation des assistants Kobold.

Des Kobolds, mais c’est quoi ces trucs ? T’en n’as pas parlé jusque là !

Euh oui, pardon.

Il y a donc un troisième type de cartes sur la piste centrale : les cartes « assistants Kobolds ». Vous pouvez les récupérer comme les cartes dragons et elles occuperont également une place dans votre limite de main. Pour autant, elle ne vous feront pas marquer de point de collection puisque leur utilité est tout autre.

Elles entrent en scène une fois que tous les joueurs ont atteint 10 cartes et que la manche s’arrête. Les assistants Kobold, ce sont un peu les employés qui travaillent dans l’ombre et qui vont tout faire pour que votre représentation se passe le mieux possible.

En mode « débutant », ils seront en charge de fabriquer les tribunes qui accueilleront vos spectateurs. Vous pouvez échanger X cartes Kobold contre une des tribunes disponibles qui vous feront gagner plus ou moins de points supplémentaires sur la piste de spectateurs.

Petit bémol : on ne peut en construire que 4 maximum et cette action étant la seule disponible pour nos chers assistants (du moins dans ce mode de jeu) les Juniors se retrouvent vite bloqués avec des cartes Kobold qui ne leur servent plus à rien lors des dernières manches… et qui les encombrent quelque peu. Vraiment dommage.

Vous êtes confortablement assis ? Nous sommes là pour vous servir.

Il faut bien les occuper ces assistants désoeuvrés, non ? Bienvenue dans le mode « normal » !

Ici, nos petits Kobolds vont nous permettre d’acquérir des outils, les fameux gros pions en bois si agréables à manipuler, vous vous rappelez ? Dès que vous en récupérez un, vous bénéficiez désormais d’un bonus permanent, valable pour tout le reste de la partie.

On a d’ailleurs des choses fort sympathiques : augmentation de la taille de la main, points de victoire pour les cartes « Chardons Nauséabonds » ou encore points supplémentaires pour des séries de dragons différents. De quoi contrebalancer les mains de cartes un peu pourries et revenir, en galopant, dans la course pour la victoire.

Il faut savoir que le mode de jeu « normal » est celui présenté en détail dans les règles. Le mode débutant n’est qu’un ajout en toute fin de livret. Et on se demande bien ce qu’il fait là d’ailleurs.

Pour ma part, j’y vois un excès de zèle de la part d’Haba. Une tentative pour rendre plus accessible un jeu en retirant des petits points de règles… alors que la mécanique de base est déjà difficile à appréhender pour des juniors de 8 ans. J’ai été moyennement convaincue. On se plaint souvent de la sur-couche de règles pour complexifier inutilement les jeux ; ici c’est la sous-couche de règles de ce mode « débutant » que l’on déplorera.

Finalement, le mode « normal » se suffit à lui-même, d’autant qu’il gomme la frustration induite par le surplus de cartes Kobold. Dans cette configuration, on peut soit les attacher à la construction de tribunes soit à la récupération d’outils, soit les deux si notre main le permet. On se retrouve donc rarement avec des cartes inutilisées en plus des chardons qui nous pourrissent déjà la vie.

Ils ajoutent également un autre axe de stratégie, permettant de scorer quand les collections de dragons identiques ne sont pas fructueuses ou en tirant parti de l’accumulation de chardons dans notre main. Ils rendent ainsi le jeu moins linéaire et un peu plus challengeant pour nos juniors.

Non, définitivement, je ne voyais vraiment pas l’intérêt de nous en passer. Nous avons donc pris le parti de complètement abandonner le mode « débutant » et soyez rassurés : Junior a survécu. De son propre aveu, il a trouvé le jeu bien plus plaisant avec les outils que sans. Et je ne peux qu’être d’accord avec lui.

Le spectacle était-il à la hauteur ?

Quitte à parler variantes, il est temps pour moi de vous évoquer LE gros point noir du jeu : la configuration de la partie selon le nombre de joueurs.

Il faut savoir qu’à la maison, Junior a une nette préférence pour les jeux à deux. Non pas que son père n’aime pas jouer, mais mon Huit’ans trouve toujours plus difficile de se battre contre 2 autres joueurs car il a plus de mal à anticiper les actions de plusieurs joueurs à la fois.

Pour autant, pour le bien de ce test, nous avons essayé Dragondraft dans les deux configurations : à trois joueurs, dans un premier temps, puis à deux joueurs. Dans les deux cas, j’ai vite aperçu un nuage gris se profiler dans le ciel  : il me semblait très compliqué de récupérer les dragons les plus à droite de la piste.

Rappelez-vous : plus on s’éloigne du bord gauche, plus on récupère de chardons en supplément du dragon convoité. Ainsi, si on veut aller piocher dans la 8ème colonne, on peut se retrouver avec 8 cartes alors qu’on a joué un seul coup… avec toujours une limite de main de 10 cartes ! Evidemment, au fil de la manche, les colonnes se vident et on peut progresser, à moindre coût, plus en avant sur la ligne. Mais pas toujours.

À deux joueurs, presque jamais, pour être totalement honnête.

Ici, il y a fort à parier que les joueurs vont vider la ligne des dragons rouges pour scorer un max de points…

Le hasard de la pioche faisant, il n’est pas rare que tous les « bons » dragons, se retrouvent sur la même ligne. Les joueurs vont donc l’épuiser jusqu’à les atteindre, délaissant au passage les autres lignes du plateau. De ce fait, si un des joueurs avait besoin du dragon vert de la 8ème colonne de la première ligne, et que tous les autres joueurs s’acharnent sur la 4ème ligne, autant dire qu’il risque de manger des chardons un bon moment. 

Vous voyez le topo ? Le joueur va tenir deux tours puis va devoir passer, en regardant, dépité, sa main remplie de chardons. Il ne scorera d’ailleurs presque rien à la fin de la manche, là où ses petits camarades progresseront sur la piste visiteurs, lui faisant signe de la main, comme pour le narguer. C’est ballot.

Même, plus que ballot, c’est, en fait, doublement frustrant. Un vrai sentiment d’injustice pour Junior car on peut très vite pourrir la stratégie de l’autre et lui gâcher la partie.

Pour mal faire, ce petit caillou dans la chaussure devient carrément une pierre dans la configuration 2 joueurs. Il est, en effet, impossible, même sans chardons d’atteindre les dernières colonnes du plateau. C’est logique ceci dit : moins de joueurs, donc moins de cartes récupérées et donc des lignes qui se vident moins vite. Au final, tout au plus, en piochant un peu partout, on atteint difficilement la 5ème, voire la 6ème colonne dans le meilleur des cas.

Alors imaginez que tous les dragons sympas se retrouvent concentrés dans les dernières colonnes ? Impossible de les récupérer. Et on augmente encore un peu le degré de frustration.

Serait-il temps de baisser le rideau ?

Alors non, pas tout de suite. Parce que, malgré tout, créer de l’injustice et de la frustration, ça ne ressemble pas à Haba. Et moi, ça m’a vraiment interpellée.

Alors j’ai creusé, analysé… pour essayer de comprendre pourquoi on en arrivait toujours à ça. Je vous jure, j’ai donné de ma personne hein ! J’ai même fait des calculs, simulé des manches à 2/3/4 joueurs. Tout un programme. Et, finalement, voici ma conclusion : pour moi, ce jeu est taillé pour être joué à 4 joueurs, pas moins.

Plutôt que de nous affubler d’un mode débutant (presque?) inutile, on aurait aimé une véritable variante pour deux joueurs. Ou mieux encore, un plateau prévu pour cette configuration de partie. Il aurait été simple de le mettre en place au verso du plateau central mais ça n’a malheureusement pas été le cas.

Profitant des vacances de Pâques anticipées de mon Junior, j’ai décidé de le mettre à contribution pour essayer de réfléchir ensemble à une adaptation du jeu. L’idée, c’était de lui donner autant de peps à 2 joueurs qu’à 3 et 4. En plus, ça a fait une chouette activité avec mon fils autour de notre passion commune. Coup double !

Je vous propose donc de vous faire profiter de nos trouvailles pour que vous puissiez les tester, vous aussi. Je le précise tout de suite, je n’ai nullement la prétention de m’improviser auteure de jeu. Il s’agit plutôt de pistes que je souhaitais partager, qui ont bien marché à la maison et qui ont évité à Dragondraft de prendre définitivement la poussière. On leur a même donné des noms, ouaiiiss ! Libre à vous de les utiliser, ou pas. Mais je serais ravie d’avoir vos retours d’expérience en commentaire. Et puis, ça fera plaisir à Junior aussi de vous lire, alors n’hésitez pas !

  • La variante « zéro frustration«  pour 2/3/4 joueurs.

On garde l’intégralité des règles de la variante « normale » à cette exception près : on gomme la condition de seuil pour le déclenchement du scoring des dragons rouge/violets/bleus. De plus, on valorise tout de même les grosses collections.

On considère que les points sont attribués dès le premier dragon récupéré. Ainsi, plus question d’attendre d’avoir 3 dragons rouges pour marquer 4 points par dragon ; si vous n’en avez qu’un, en fin de manche, vous marquez 4 points. Si vous en avez deux, vous marquez 8 points, etc.

Par contre, si vous réussissez à atteindre le seuil initialement demandé de 2 ou 3 dragons (selon les couleurs), vous marquez des points supplémentaires en fin de manche :

  • 4 points supplémentaires pour 3 dragons rouges et +
  • 3 points supplémentaires pour 3 dragons violets et +
  • 2 points supplémentaires pour 2 dragons bleus et +

Le petit plus de cette variante :

Les Juniors ne sont pas frustrés de ne marquer aucun point en fin de manche car ils auraient trop diversifié leurs collections

  • La variante « petite piste » pour 2 joueurs.

Alors, pour celle-ci, l’idée a été de réduire la piste centrale pour qu’on ne se retrouve pas avec des dragons impossibles à atteindre à 2 joueurs.

On condamne donc les 3 colonnes les plus à droite de la piste qui ne recevront pas de cartes en début de manche.

Cette variante nécessite une petite adaptation du matériel. Vous devrez donc retirer du jeu 12 cartes en tout :

  • 2 cartes dragons de chaque couleur
  • 1 carte assistant Kobold de valeur 1
  • 1 carte assistant Kobold de valeur 2

Pour le reste, on garde toutes les règles du jeu de base en version « normale ».

Le petit plus de cette variante :

Les Juniors ne sont pas découragés à l’idée de finir leurs collections car tous les dragons sont désormais atteignables sans trop de difficulté.

Si vous utilisez cette variante à 3 joueurs, cela rend le jeu un peu plus nerveux car il n’y a pas assez de cartes dragons pour que deux joueurs puissent atteindre le seuil de déclenchement des familles rouges et violettes. Il y a donc un sentiment de course contre la montre qui est bien sympa.

  • La variante « Course aux dragons » pour 2 et 3 joueurs.

Alors, pour celle-ci, l’idée a été de tirer partie des points attribués pour chaque catégorie de dragons. Je vous le disais en début de test, on trouvait dommage que les dragons soient présents en même quantité ce qui ne créait pas cet effet de rareté. On a donc voulu créer un intérêt supplémentaire à récupérer des dragons rouges au lieu des bleus ou des violets.

Cette variante nécessite également une adaptation du matériel. Vous devrez donc faire les modifications suivantes :

  • Réduire la piste à 7 colonnes au lieu de 10 comme la variante « petite piste »
  • Retirer 3 cartes dragons rouges
  • Retirer 3 cartes dragons violets
  • Retirer 2 cartes dragons verts
  • Retirer 2 cartes dragons jaunes
  • On conserve toutes les cartes dragons bleus
  • Retirer 1 cartes assistant Kobold de valeur 1
  • Retirer 1 carte assistant Kobold de valeur 2

Pour le reste, on garde toutes les règles du jeu de base en version « normale ».

Le petit plus de cette variante :

Une véritable course contre la montre va s’engager pour être le premier à compléter les séries de dragons rapportant le plus de points (rouge et violets) et qui sont présents en moins d’exemplaires. Attention : il n’y en aura pas pour tout le monde !

L’intérêt et l’attention des juniors est boostée et le jeu devient plus stratégique tout en restant accessible. C’est la variante que l’on a préféré à la maison !

L’avis de Plateau marmots

Dire que Dragondraft est un mauvais jeu ne serait pas juste. Il est bourré de qualités, que ce soit son matériel encore une fois irréprochable, son thème qui plaira aux Juniors ou encore ses mécaniques qui fonctionnent bien.

Non, le souci de Dragondraft est ailleurs. C’est, à mon sens, une question de timing, d’une part. Il me semble très difficile d’arriver après un jeu comme Honga qui a fait carton plein auprès des juniors et de leurs parents. Un jeu qui se voulait beau, accessible, malin et ce, dans toutes les configurations. LE point faible de Dragondraft.

En effet, s’il prendra toute sa saveur à 4 joueurs, il devient plus laborieux à 3 joueurs, et presque inintéressant à 2 sans véritable variante (officieuse ou peut être un jour, officielle – si Haba nous lit, c’est un vrai appel du pied ! ). Alors forcément, on grince un peu des dents parce que la déception est au rendez-vous.

L’autre point faible du jeu, c’est incontestablement l’âge annoncé sur la boîte. Proposer Dragondraft à des juniors de 8 ans me paraît vraiment délicat du fait de la mécanique de programmation et d’anticipation inhérente au jeu. Je pense que le jeu sera d’autant plus apprécié par des juniors de 10 ans et plus qui sauront, plus facilement, contrecarrer les plans diaboliques de leurs parents.

À la maison, en dépit de toute notre bonne volonté à vouloir l’aimer (et on a essayé plein de fois, promis!), Dragondraft a vite regagné le placard. Parce qu’il n’aura malheureusement pas vraiment marqué nos esprits… C’est un jeu qui reste néanmoins plaisant mais pour lequel on garde toujours en tête le côté laborieux de l’installation. On installe plus longtemps que l’on ne joue et c’est ce qui vous fera, sans nul doute, reposer la boîte au profit d’un jeu de la même gamme bien plus facile à mettre en place.

On aime :

  • Le matériel hautement qualitatif, comme toujours, chez Haba
  • L’univers tout mignon de Stephan Lorenz
  • La durée des parties, très courtes
  • Avoir travaillé en équipe avec Junior pour inventer nos variantes

On aime moins :

  • La variante débutant, qui n’apporte rien
  • Le côté laborieux de l’installation des cartes, à chaque manche
  • Un jeu 2-4 joueurs qui ne fonctionne réellement bien qu’à 3 joueurs et plus

Vos juniors aimeront :

  • S’ils aiment les jeux de collection
  • S’ils n’ont pas peur des jeux où la frustration est présente

Vos juniors aimeront moins :

  • S’ils cherchent des jeux qui s’installent et se jouent vite
  • S’ils n’aiment pas l’interaction (car tout le sel du jeu réside dans le piquage de cartes sur le plateau)

Le trouver :

Fiche du jeu :

  • Un jeu de Benjamin Schwer
  • Illustré par Stephan Lorenz
  • Edité chez Haba
  • Pour 2 à 4 joueurs
  • De 8 ans et plus (mais 10 ans c’est mieux)

 

 

 

 

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