Sur un coin de table – Le Croque Monstre
En tant que rédactrice accro aux réseaux sociaux, il arrive très régulièrement qu’au détour de ma veille, je repère, au hasard d’une vidéo, des petits jeux au potentiel énorme pour nos Juniors. Des jeux rapides, au thème accrocheur, qui, sans nul doute leur mettraient quelques étoiles dans les yeux. Alors, pour ne pas les oublier, je les range dans un coin de ma tête en étiquetant « à Newser pour PJ ».
Et puis le temps passe et, bercée par le flot des nouveautés qui sortent, j’oublie… Appelez-moi Dori, si si.
Un beau jour, ce sont les soldes. Telle une furie qui écume les sites plus vite que son ombre, je multiplie les commandes ; il faut bien avoir des jeux à tester pour pouvoir vous en parler, nan ? La bonne excuse… Et là, je retombe sur ces jeux qui, peut-être parce qu’ils n’ont pas eu la lumière qu’ils méritaient (les médias seraient-ils tous composés de Dori comme moi ?), se retrouvent bradés. Et je me dis : allez, c’est l’occasion ou jamais de voir si mon intuition était bonne.
C’est exactement l’histoire de ma rencontre avec Le Croque Monstre que j’avais repéré courant 2020 dans une vidéo de présentation du jeu sur Facebook et qui est arrivé chez moi, il y a quelques jours à peine. Merci les soldes.
À peine déballé, aussitôt testé. J’ai profité d’un énième statut de « cas contact » de mon Neuf’ans pour lui proposer une petite partie.
De quoi ça cause ce petit jeu ?
Dans le Croque-Monstre, vous incarnez un fossoyeur un peu spécial puisqu’il exerce son doux métier dans un monde fantastique peuplé de dragons, de lutins et de licornes. Contrairement à ce que nous racontent les légendes urbaines, parfois, au terme de batailles épiques et de duels vertigineux, ces créatures légendaires connaissent une fin tragique. Nul n’est éternel, vous le savez bien…. C’est là que vous intervenez : vous allez devoir gérer les cadavres des créatures, mortes au combat, qui ont un peu tendance à s’accumuler et qu’on ne sait vraiment pas où ranger.
Formation expresse en « Gestion de cimetière ».
En tant que directeur du cimetière des monstres, vous devez repenser l’agencement des tombes. Il vous faut donc gérer à la fois la fosse commune, celle qui accueillera les monstres de seconde-zone, dommages collatéraux des batailles, mais également votre crypte personnelle, le carré VIP du cimetière où, bien évidemment, les places sont limitées. Seuls les Héros y trouveront une place de choix.
Les monstres arrivent au cimetière non pas dans un corbillard, mais sur des cartes. Mais pas n’importe lesquelles, on est dans un cimetière 5 étoiles, pardi ! Ce sont donc des cartes bi-places qui acheminent les monstres déchus, c’est à dire qu’elles sont dotées de deux créatures, symbolisées par des couleurs distinctes (5 au total). Elles représentent systématiquement deux monstres différents qu’il va falloir placer soit dans votre crypte personnelle soit dans la fosse commune.
Lorsque l’empilement des cadavres dans ces deux lieux vous semble satisfaisant, vous pouvez alors ériger une stèle. Ces dernières sont représentées par une autre série de cartes, installées non loin de la pioche en début de partie. Ce sont ces stèles qui vous permettront de marquer des points et d’être élu « Fossoyeur de l’année ».
Apprends-moi à enterrer des cadavres.
À partir des cartes de votre main, vous devez placer obligatoirement une carte dans votre crypte personnelle puis une carte dans la fosse commune. Les règles de pose dans les deux zones diffèrent légèrement : dans votre crypte personnelle, vos monstres ne devront jamais dépasser un carré de 3 par 3 (c’est un carré VIP, je vous l’avais dit, il n’y a pas de place pour tout le monde) là où dans la fosse commune, la place est illimitée mais la zone ne devra jamais grandir de plus d’un carré (c’est à dire une demie-carte) par tour.
Ne croyez pas que gérer un cimetière sera de tout repos car, tels des ludistes chez IKEA à la recherche du Kallax parfait pour optimiser l’espace, ici aussi il va falloir gagner de la place. Et donc entasser les cadavres pour que tout ce petit monde puisse reposer en paix. Enfin, entasser, pas tout à fait. Ici on va surtout les empiler. Nos cartes vont en réalité venir recouvrir des cartes précédemment posées de façon à créer des zones de couleur adjacentes à la fois dans notre crypte personnelle et dans la fosse commune.
Vous l’aurez compris, puisqu’on empile, il faut faire des choix. Recouvrir, c’est renoncer. Mais c’est surtout embêter le voisin. Qui dit fosse commune dit « accessible à tous », y compris aux autres joueurs. De ce fait, chaque nouvelle carte déposée pourrait bien faire les affaires des fossoyeurs adverses et chaque placement devra donc être mûrement réfléchi.
Car voyez-vous, lorsque les zones de couleur créées par vos cartes vous semblent assez conséquentes, vous pouvez choisir de revendiquer la stèle de couleur correspondante. Attention, vous ne pourrez scorer qu’une seule fois chaque couleur, il faudra donc choisir le bon moment. Chaque stèle nécessite un certain nombre de monstres et si vous ne tombez pas juste, on arrondit à l’inférieur.
Pour calculer votre total de monstres, on additionne le nombre de cases adjacentes de votre plus grande zone de couleur dans votre crypte personnelle et dans la fosse commune. Les cartes Croque-Monstre sont des Jokers qui prennent automatiquement la couleur désirée au moment du scoring ; ils sont parfaits pour relier des zones de couleur éloignées dans la fosse commune et comptent comme une case de la couleur choisie.
Plus la stèle nécessite de monstres pour être construite, plus elle vous rapporte de points. Logique. Mais elle sera également beaucoup plus longue à revendiquer, surtout si vos petits camarades décident de scinder vos groupes de couleur au centre de la table. Et comme la fin de partie est déclenchée lorsqu’un joueur a récupéré 5 stèles, ne vous avisez pas de trop traîner, cela risquerait de vous coûter la victoire.
Sans compter qu’en toute fin de partie, chaque joueur bénéficie d’un bonus de points assez conséquent, fonction du nombre de stèles qu’il aura réussi à construire avant la fin de la partie.
Une vraie course dans les allées du cimetière !
Alors, jouer aux fossoyeurs, ça plaît à Junior ?
Avec le Croque-Monstre, j’y suis clairement allée au culot. Pour synthétiser, le Croque-Monstre est plus ou moins un jeu de domino, en version « cartes ». Et Junior exècre les jeux de dominos. C’est donc assez fébrilement que j’ai ouvert la boite, en me disant : « ça passe ou ça casse ».
Finalement, ça l’a fait, et même plus que fait car le jeu est devenu notre petit jeu du soir depuis qu’on l’a testé. Le thème, peu commun il faut bien l’avouer, a séduit mon Junior. Les cartes sont rigolotes et ce Croque-Monstre a des airs de Monsieur Marcel (une chanson d’Aldebert – pour ceux qui n’auraient pas la référence), parfait pour dédramatiser le sujet encore sensible de la mort avec des 8-9 ans.
Le jeu s’installe très vite lorsqu’on a peu de temps devant nous et le principe est quand même très simple à appréhender. Il n’y a finalement que 3 actions dont une facultative et des règles de pose très basiques : un monstre peut recouvrir n’importe quel monstre et un croque-monstre ne peut jamais être recouvert. Un game-play parfaitement accessible dès 8 ans.
Mais, pour autant, résumer le Croque-Monstre à un simple jeu de dominos serait tout de même assez réducteur. Pour rappel, dans un jeu de domino, on doit être le premier à se débarrasser de toutes ses pièces, en les connectant, pour gagner la partie. Dans le Croque-Monstre, si on garde l’idée de connexion, trop se dépêcher n’est pas toujours le meilleur calcul.
On peut en effet décider de rusher les 5 stèles les plus petites (2 points) pour tuer prématurément la partie. Mais, en procédant ainsi, on ne marquera que peu de points et les autres fossoyeurs auraient vite fait de marquer plus de points que nous en ayant fait le pari de prendre des stèles plus longues à construire… mais bien plus généreuses en points !
Non, ici, il faut réfléchir à un second niveau. Et prendre des risques. Vous voyez votre Junior jauger sans cesse le ratio bénéfice/perte. Ses petits yeux vont partout pour calculer quel serait le coup le plus rentable pour lui… et le plus embêtant, pour vous !
« Dois-je poser cette carte qui augmente ma zone verte et me permettra au tour prochain de marquer 10 points en revendiquant la plus grosse stèle ?
Ou plutôt placer ma carte juste ici pour scinder la grosse zone bleue de maman et lui faire perdre un tour pour réclamer la stèle qu’elle vise ?
Mais si je pose ma carte, et que maman pose la sienne à côté, elle pourra me piquer la stèle à 10 points ce tour-ci, et je n’aurai que 6 points. »
Vous voyez le tableau ?
Il prend autant de plaisir à construire sa stratégie qu’à la ralentir pour prendre le temps d’enquiquiner le voisin. Qu’est ce que ça l’amuse, mon Junior, de venir recouvrir mes cartes alors que ça ne lui sert strictement à rien dans sa propre stratégie. Il fait durer le plaisir pour finalement, m’atomiser au score… avec le sourire, of course ! Et je pense que c’est cette double dimension qui a su le séduire dès les premiers instants et le faire passer outre son aversion des dominos.
À la fin de notre toute première partie, justement, il ne voyait plus le côté « jeu de dominos » mais un jeu de construction rigolo où l’optimisation est le maître-mot. Un jeu tout simple qui en a en fait grave sous le capot ! La dimension stratégique est omniprésente tout au long de la partie, que ce soit dans la pose des cartes mais aussi sur le choix de ce qu’on repioche, face visible ou cachée. Des choix qui paieront, parfois, mais qui obligent les Juniors à s’adapter, souvent.
Il faudra tour à tour ruser, bluffer, renoncer, tenter des stratégies, les réviser. Finalement, bien plus de réflexion, à chaque tour, que dans certains gros jeux de plateau.
Un gros potentiel dans une petite boîte, il n’en fallait pas plus pour nous séduire, Junior et Moi !
Pour aller plus loin :
- La fiche du jeu sur le site de Renegade
- Une vidéo de présentation du jeu :
Si vous le cherchez, c’est par ici :
La fiche du jeu :
- Un jeu de Jeffery D. Allers
- Illustré par David Szilagyi
- Edité par Renegade Games Studio
- Pour 2 à 4 joueurs
- De 14 ans (mais largement jouable à 9 ans)