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A Touch of Evil : visite à Shadowbrook

Bon je vais être cash avec vous, A Touch of Evil est incontestablement un jeu référence pour moi, un titre qui fait partie de mon top 10 de tous les temps, totalement emblématique d’Halloween. Pourquoi ? Parce qu’il vous permet de vivre une expérience de jeu très forte sur la base de règles incroyablement simples, et surtout qu’il vous plonge en immersion dans un univers très directement inspiré par Sleepy Hollow, version Tim Burton : le symbole d’Halloween tel que je le conçois.

Le pitch du jeu est fort simple : des héros venus d’horizons divers arrivent dans la petite ville de Shadowbrook, (paisible bourgade américaine à l’aube du 19e siècle), livrée en pâture à des monstres monstrueux et à des mystères mystérieux. Il semblerait en effet qu’une créature fantastique ait élu domicile à proximité de la ville pour y accomplir ses méfaits occultes. Les héros doivent donc débusquer la bestiole (cavalier sans tête, vampire, épouvantail…), localiser sa tanière et l’affronter dans un combat épique. Mais attention : certains des notables de la ville sont probablement moins bienveillants qu’il n’y parait !

Une direction artistique que l’on adore (ou pas !)

Avant même la première partie, A touch of Evil nous propulse dans une ambiance « à part » au moyen d’une direction artistique aussi assumée que décalée. En effet, l’imaginaire du jeu n’est pas nourri de somptueuses illustrations, mais au contraire des photographies au look volontairement cheap. Typique de l’ADN de l’éditeur, le jeu respire en effet la Série Z nanardesque façon Ed Wood, un parti pris très fort qui ne manquera pas de diviser. Mais au-delà de savoir si c’est magnifique ou très très moche, le vrai point à remarquer est que le jeu installe son ambiance comme nul autre. Cohérent de bout en bout, il vous emmène dans une propre parodie, devenant un genre à lui tout seul. À titre perso, je surkiffe l’ambiance et je la trouve remarquable dans l’ensemble de leurs titres, que ce soit pour affronter les Zombies de Last Night on Earth ou de partir à la chasse au trésor façon Indiana Jones dans Fortune & Glory. Mais ce qui est intéressant, c’est que même ceux qui détesteront ces partis-pris (et ce sera le cas de beaucoup d’ados) ne pourront que reconnaître que l’immersion fonctionne à plein.

Une mécanique ultra accessible

A Touch of Evil étant originellement paru en 2008, la mécanique du jeu paraitra forcément datée aujourd’hui. Pas de draft ni de deckbuilding à la mode : on lance un dé, on se déplace, on visite des lieux, on subit des coups du sort, on affronte des sbires, on s’équipe et on augmente ses caractéristiques pour être dignes d’affronter le boss de fin.  Tout se règle avec des dés à 6 faces, généralement avec un 5 ou un 6 considérés comme des réussites.

Le jeu se rapproche beaucoup de titres sortis avant lui (Horreur à Arkham) mais aussi après lui (les Contrées de l’Horreur) avec des tests de compétences et des conséquences immédiates indiquées sur les cartes lieux. Le plateau est un modèle de simplicité (mais aussi d’élégance) et l’IA des monstres, plutôt basique, permet de ne pas avoir à revenir sur le livret des règles.

Dit comme cela, évidemment, ça ne va pas forcément vous vendre du rêve. Et pourtant ! Les petites mécaniques foisonnent pour densifier le thème du jeu et vous donner l’impression que vous êtes au cœur d’un film.

En voici deux exemples particulièrement révélateurs…

Un Méchant qui se renforce alors que la partie progresse

Le jeu propose une sorte de « monnaie », représentée par des jetons « indices ». En gros, c’est le fruit des investigations des héros. Cette monnaie est utilisée pour plein de choses, mais avant tout pour localiser la tanière du héros. En début de partie, le Villain que l’on traque est relativement faible, mais l’emplacement de sa cachette est très compliqué à trouver, c’est-à-dire très couteux en indices. Plus les joueurs progresseront dans la partie et plus cette tendance va s’inverser : le Villain deviendra de plus en plus puissant et la tanière ne coûtera presque plus rien. C’est très thématique : les sbires du boss auront mis un tel bordel dans la ville que le trouver ne sera plus du tout compliqué. En revanche, prévu de notre arrivée, il aura pris soin de se préparer comme il se doit à notre rencontre finale. Il faudra alors s’attendre à lancer des brouettes de dés pour le dégommer. Surtout si vous n’avez pas identifié ses alliés avant le showdown, la grande rencontre épique.

Des notables aux lourds secrets

En début de partie, chaque notable de la ville se voit attribué une carte « Secrets », qui indique quelles sont ses intentions réelles dans la ville de Shadowbrook. Certains secrets sont totalement anodins, mais d’autres seront lourds de conséquences sur la fin de partie. Car lorsque le combat final se déclenche, toutes les cartes secrets sont alors révélées. Et si l’un des notables est en fait un allié du Villain, il rejoindra aussitôt ses rangs, ce qui va encore vous compliquer la vie.

En cours de partie, vous aurez donc grand intérêt à enquêter autant sur le Villain que sur les Secrets des Notables, afin de vous éviter de mauvaises surprises au pire moment. Mieux encore : vous pourriez même récupérer un allié au passage, ce qui ne sera pas de trop pour aller mettre la tête du cavalier sans tête au bout d’une pique. (oui, cette phrase sonne bizarre mais vous aurez compris l’idée). C’est une mécanique très simple, mais particulièrement immersive et riche en tension. A vous de voir comment gérer vos indices : équipement, secret ou traque… et faire en sorte que vos alliés de circonstance aient les mêmes priorités que vous.

Le thème avant la mécanique

C’est au final exactement ce que l’on retient d’A touch of Evil : la prédominance du thème. La mécanique de jeu n’a ici d’autre but que vous permettre de vivre une aventure riche en sensations et en rebondissements, et elle n’est là que pour vous permettre d’aller du Moulin jusqu’à la Vieille Forêt tout en surveillant du coin de l’œil ce que font le Magistrat et le Médecin de la ville. Les choses se déroulent simplement, intuitivement, et en cas de doute sur un point de règle on se pose juste la question de savoir ce qu’Ichabod Crane ferait à la place des joueurs. Le jeu est par ailleurs livré avec un CD (oui oui, le truc rond bizarre) de musiques d’ambiance, signe fort de sa volonté de vous plonger dans un univers clos.

Pour quels joueurs… et à quel âge ?

On arrive – un peu – au sujet qui fâche. Car si au niveau mécanique le jeu est totalement assimilable par des enfants de 9 – 10 ans, voire avant (surtout lorsque l’on joue en mode coopératif), la représentation photographique du jeu le réserve sans doute à des enfants plus âgés, capables d’apprécier le second degré des illustrations.

L’autre « souci » c’est que – pour changer – le jeu est intégralement en anglais, et qu’il faudra peut-être s’enquiquiner à aller chercher des traductions fanmade sur la toile (un exemple ici) afin de pouvoir bénéficier des cartes et des règles dans la langue de Johnny. Ou alors vous pourrez profiter du jeu pour faire bosser vos Juniors sur leur anglais, les faisant doucement glisser de « Where is Brian ? Brian is in the Kitchen » vers « Where is the Scarecrow ? It’s just behind you !, ce qui sera toujours instructif.

La suite ?

Si vous accrochez, en revanche, sachez que le jeu dispose de deux extensions (il n’y en aura pas d’autres) et que les plateaux sont conçus pour s’assembler afin de faire de Shadowbrook l’épicentre d’une région très agitée, jouxtée de ses marécages et de sa côte propice aux monstres marins. Le bestiaire devient alors beaucoup plus étoffé, ainsin que les héros à disposition. Nul besoin d’aller si loin toutefois : une vieille boîte de de 2008 avec ses cartes un peu cornées et ses jetons usés fera parfaitement l’affaire pour jouer un nombre incalculable de parties dans une ambiance incroyable. Ceux qui voudront casser leur tirelire pourront aller vers la boite « 10th anniversary », avec du contenu plus quali, une compil de toutes les règles ajoutées et rafraichies  et quelques figurines d’ambiance.

À noter aussi : l’univers a été décliné en jeu de deckbuilding (fort classique) qui reprend le thème et bon nombre de photos, sous le nom Dark Gothic. Rien de fifou comparé à des jeux plus innovants, mais l’univers fonctionne bien.

A touch of ambiance

Bref, ATOE est un jeu que je vous invite à découvrir, au moins en vidéo, pour vous rendre compte de la puissance narrative d’un jeu simple et basique, qui utilise ses règles pour servir son thème et jamais l’inverse. Surgi du fond des âges, à une époque où les tablettes n’étaient pas encore suremployées pour créer de l’ambiance, le jeu ne soutient évidemment pas la comparaison avec des fraiches versions numérisées d’Horreur à Arkham ou des Demeures de l’Epouvante.  Et c’est précisément ce qui fait sa force. Car le jeu vous emmène en toute simplicité faire une virée dans le monde miroir de Sleepy Hollow, et laisse un inévitable gout de reviens-y.  Une légende du jeu de société (pour moi !) qui ne touchera sans doute que quelques geeks, mais qui embarque une mécanique simple et solide, qui permet de faire jouer des ados. Mon seul regret, finalement, c’est que personne n’ait encore eu l’idée de décliner ce jeu avec la licence Scooby-Doo : investigation, pièges et rôles secrets, tout semble réuni pour créer un jeu enfants d’exception.

Le trouver

Chez Philibert

Fiche technique

  • Un jeu de Jason C Hill
  • Edité par Flying Frog
  • Pour 2 à 8 joueurs
  • A partir de 12 ans

Une vidéo de gameplay

Un commentaire

  1. Il est en rupture chez Philibert sans date de réappro.

    Sinon, il est dispo chez https://www.ludicbox.fr/ (où je viens de le commander suite à l’article, quand il était sorti, on le trouvait nul part, et là bim… Dispo alors voilà ^^

    J’ai déjà commandé chez Flying Frog, mais les frais de port assassinent.

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