A partir de 12 ansJeux de plateauOn teste !

Test – Vol de Nuit

Ce soir, le briefing sera court. « Ok les gars, on fait comme d’habitude. Départ une heure avant le coucher du soleil et on vole de nuit. La météo semble acceptable : dégagée par endroit, quelques courants aériens et des zones de pluie localement orageuses. » Patrick, le gars du briefing, a longtemps travaillé au service météo, on sent qu’il a ramené avec lui une partie de ses réflexes de l’époque. Votre attention retourne à ses paroles. »Vous alternerez au poste de pilotage, soyez économes en carburant. La grosse Gisèle a le ventre bien rempli, mais le voyage est long et les courants traîtres. Qui sait ce que vous allez rencontrer ? Soyez prudents, coordonnés. Oui, même toi Maverick, ne fais pas la tête brulée, le Major te surveille. Et tenez bon jusqu’à l’aube, toute la compagnie compte sur vous. » Vous attrapez votre paquetage et vous dirigez vers le tarmac tandis que le soleil décline sur l’horizon.

Vol de nuit est le tout premier jeu de plateau 404 On Board, le spin-off de 404 Éditions pour les jeux de plateau. Imaginé par le Collectif Chatfouin et illustré par Maud Chalmel, Vol de nuit est un jeu coopératif, pour 2 à 5 pilotes à partir de 12 ans, pour des parties de 30 minutes, dans l’univers du l’oeuvre éponyme de Saint Exupéry.

[Ce test a été réalisé au moyen d’une boîte qui a été gracieusement mise à disposition par l’éditeur. Ca ne change rien à l’avis, mais ça fait vraiment super stylé de le préciser.]

Dans votre paquetage

Le voyage de Vol de Nuit commence dès qu’on a la boîte entre les mains : la nuit est sombre, les éclairs menacent, et le chargement est pesant. Et effectivement, la boîte est bien remplie. De bonnes grosses tuiles bien épaisses d’un bleu nuit bien contrasté représentent le parcours. Des cartes carrées au toucher un peu rugueux mais là aussi assez épaisses les accompagnent. Quelques jetons en carton, un jeton commandant en plastique et un ravissant quadrimoteur (je pense) en métal complètent le matériel.

L’ensemble est de bonne facture et plaisant à manipuler, même si on se dit qu’il faudra peut-être protéger les cartes car on les mélange quand même à chaque début de partie et on ne voudrait pas qu’elles finissent par s’affadir. Pour les sleeveurs fous (ils se reconnaîtront), les cartes font du 8 cm par 8 cm, on me glisse à l’oreillette que c’est le même format que du 7th Continent, donc trouvable.

Le livret de règles est clair et bien conçu, même s’il ne répond pas à toutes les questions qu’on peut se poser dans la partie, nous y reviendrons. Il est en tout cas émaillé de quelques citations tirées de l’oeuvre, ce qui fait encore plus pour la mise en ambiance.

Dans votre checklist

Pour commencer votre voyage, choisissez deux grosses tuiles de ciel de nuit, que vous placez l’une après l’autre, entourées de la tuile de départ et de la tuile de l’aube, votre objectif d’arrivée, donc. Le petit avion en métal mis au départ, vous disposez ensuite les différents paquets de cartes mélangés aux quatre coins du plateau, prenez une carte aviateur qui vous donnera un pouvoir spécial, 4 cartes carburants pour constituer votre main de départ, les jetons pas loin du plateau et votre jauge d’espoir commence à 16. Et voilà, check, vous êtes prêts à partir. Mise en place rapide et sans chichi, un gros bon point pour un jeu de cette durée.

On vous propose ensuite de choisir une carte perturbation parmi 3 que vous aurez tirées, ce sera la première difficulté que vous aurez à affronter. Les cartes perturbations introduisent des effets permanents, en très grande majorité négatifs. Tout est décrit sur les cartes, vous n’aurez donc a priori pas à revenir aux règles pour ces effets. Et ils sont souvent suffisamment pénibles pour qu’on ne les oublie pas.

Pour gagner, c’est tout simple : vous devez atteindre l’aube avec votre avion sans tomber à court de carburant, et sans perdre tout espoir. C’est ultra thématique, en fait : soit vous vous écrasez au sol, soit tout le monde déprime sévèremment et ce n’est guère mieux.

En vol

Pour piloter votre avion, tous les joueurs font front commun, dans un mode de programmation en aveugle. Ne partez pas tout de suite, je vous explique. Il s’agit en effet de jouer chacun son tour des cartes carburant face cachée, en donnant plus ou moins d’infos sur le déplacement suivant votre niveau d’espoir.

Détaillons un peu.

Chaque carte carburant propose une action de pilotage : « j’avance », « je voltige », « je dévie », etc. et un cap, en d’autres termes, une direction, avec parfois un choix entre plusieurs directions. Ainsi, vous pouvez notamment avancer d’une case devant ou en diagonale gauche ou droite, sur certaines cartes. Pour l’équilibrage du jeu, les cartes les plus puissantes, les plus versatiles, où vous pouvez choisir parmi le plus de possibilités ou aller le plus loin, les cartes voltige, donc, coûtent une carte de plus. Il vous faudra donc défausser une carte de la pioche quand elles seront jouées. C’est du carburant qui s’en va, et c’est bien normal quand on fait le kéké dans le ciel. À chaque manche, un indicateur de vol est dévoilé. Il s’agit d’une carte carburant face visible, prise dans la pioche, qui donne donc un déplacement fixe pour l’avion. Chaque pilote joue ensuite une carte carburant avant ou après les cartes déjà en place, face cachée, ce qui constitue ensuite le programme de déplacement de l’avion quand on les révèle.

Tout le sel du jeu tient dans les annonces qu’on va pouvoir faire pour révéler une partie du programme à ses copains pilotes. Suivant le niveau de votre jauge d’espoir, soit tout l’équipage est tout guilleret et on se lance des « hé, je dévie vers l’ouest les gars, je le sens trop bien ! », ce qui permet à tout le monde de savoir où on en est et de choisir savamment sa prochaine carte carburant. Soit on fait un peu moins les malins, le niveau d’espoir est encore ok mais pas au top, et on n’a le courage d’annoncer aux copains que la moitié des infos : « bon, les gars, je crois que je vais aller vers l’ouest. Je tente. ». Soit c’est franchement la lose dans le cockpit, plus personne n’ose rien dire, les mines sont sombres, le niveau d’espoir est super bas, et on joue ses cartes carburant en n’annonçant strictement rien.

Chaque manche a un nouveau capitaine et celui-ci dispose soit de cartes supplémentaires à jouer, soit d’annonces supplémentaires ou les deux. Et bien sûr, pour corser le tout, les cartes que l’on va piocher dans la brume ou les perturbations changent la donne en permanence, ce qui fait que certaines manches peuvent être jouées sans annonce, avec indicateur de vol caché, etc.

Une fois que tout le monde a joué les cartes qu’il devait, arrive le moment du déplacement. Pour plus d’immersion, ne révélez les cartes qu’une par une et exécutez leurs effets immédiatement, en mode pilotage à vue, en choisissant entre les différentes options des cartes. L’effet de chaque case du parcours sur lequel l’avion passe doit être appliqué. Certaines cases comme la pluie ou l’orage vous font perdre des niveaux d’espoir, d’autres vous dévient, d’autres encore vous font piocher des cartes brumes aux effets positifs ou négatifs à appliquer immédiatement. Quelques cases nuit calme vous offrent un oasis de tranquillité bien mérité, mais elles ne sont pas légion. Dans tous les cas, il vous faut éviter de sortir du parcours ou heurter des montagnes, car cela vous fait perdre encore un peu d’espoir. Et pour finir, les rares cases ciel étoilé ou lune vous offrent des visions enchanteresses qui se traduisent par des cartes aux effets bénéfiques à piocher ou un soudain regain de niveau d’espoir.

Une fois tous les déplacements effectués, si vous n’êtes pas encore crashés ou arrivés, une nouvelle manche commence après que tout le monde a reconstitué sa main.

Atterrissage en douceur ?

Pas vraiment. Si le principe du jeu est assez simple, gagner est vraiment ardu.

Nos pilotes devront jouer de mémoire « est-ce que l’Aventurier avait dit qu’il allait à l’ouest ou à l’est ? », de vision dans l’espace « euh, c’est où l’ouest déjà ? Attends, faut que je positionne ma carte dans le bon sens, mmmm… », d’anticipation sur ce que vont jouer les autres pilotes « alors, si je décroche mais que le Major peut ré-avancer derrière, on a une petite chance d’atteindre la lune ». Et bien sûr, c’est sans compter l’aléa des mains de cartes, des zones de brume, etc.

À ce titre, l’âge de la boîte est un très grand minimum, dans ce sens que nous ne serons pas tous égaux face aux défis de la programmation des déplacements de l’avion. Y ayant joué avec ma Junior de 16 ans, je peux vous avouer qu’elle s’est un peu énervée sur sa pauvre mère « mais maman, pourquoi t’a joué vers l’ouest ? Je t’avais dit qu’on pouvait d’abord décrocher, puis louvoyer, puis voltiger, puis faire un triple-axel boucle piqué pour finir à l’aube ! Et là on se retrouve en plein orage avec l’espoir au ras des pâquerettes ! Pourquoi tu m’écoutes jamais !??! » (dialogue semi-réel et à peine romancé)

Et plus on sera de joueurs, plus ce sera compliqué. Car à peu de joueurs, chacun joue plus de cartes carburants, ce qui permet d’avoir un meilleur contrôle sur la programmation, tandis qu’à plusieurs, on dispose de beaucoup moins d’informations chacun. Heureusement, pour compenser un peu, on dispose également d’une plus grande variété de pouvoirs, mais nous avons tout de même pu constater que gagner à 3 joueurs était bien plus difficile qu’à deux.

Heureusement, le jeu propose de moduler sa difficulté afin de pouvoir avoir un plus grand niveau de la jauge d’espoir en début de partie ou de choisir une tuile de parcours plus facile parmi les deux à placer. C’est idéal pour débuter.

Les trous d’air

Abordons un peu les détails qui grattouillent. On passera sur la petite erreur de photo dans la règle, ça arrive à tout le monde et les cartes ‘je plane’ sont tellement claires qu’on n’a pas besoin de nous les expliquer beaucoup plus dans la règle.

Il y a quelques petites erreurs de design un peu plus gênantes.

Comme par exemple les cases avec un triangle blanc des tuiles parcours qui n’ont pas exactement la même taille de picto ni le même contour que les jetons montagne à placer suite à certaines cartes. Du coup, on sait qu’on ne peut pas aller sur les jetons mais avec les pointillés des cases, on se dit qu’on a peut-être le droit ou peut-être pas, ou seulement dans un certain sens. Nous nous sommes en tout cas posé la question un petit moment et on a finalement opté pour une interprétation erronée. L’éditeur, qui m’a fort gentiment répondu sur point, m’a confirmé qu’on ne pouvait pas aller sur les cases montagne et puis c’est tout.

Ensuite les cartes brumes qui présentent des déplacements sont obligatoires. Mais elles sont décrites par des pointillés qui sont identifiés comme des éléments optionnels dans la règle. D’où encore une confusion possible, en y mettant un peu de mauvaise volonté, bien sûr.

Heureusement, l’éditeur m’a dit qu’une FAQ pourrait être mise en place pour éclaircir ces deux points facilement.

Reste un gros point obscur sur lequel, malgré les explications de l’éditeur, je ne suis pas du tout au clair. Certains effets nous proposent de recharger en carburant. Sauf que cette action n’est nulle part expliquée. On devine qu’il s’agit de prendre des cartes carburant de la défausse, mais on ne sait pas très bien si on a le choix parmi celles-ci ou s’il faut prendre au-dessus (et dans ce cas, l’ordre de défausse des cartes devient important), et ce qu’on doit ensuite en faire : les mettre dans nos mains, mais celles de quel joueur ? ou au-dessus de la pioche de carburant ? ou en mélangeant dans la pioche ? Bref, vous le voyez, cette action gagnerait à être précisée et j’espère qu’elle le sera dans une FAQ. Le jeu étant suffisamment difficile comme ça, nous nous sommes permis de choisir les cartes qu’on voulait récupérer et nous les avons mélangées dans la pioche de cartes carburant.

Pour finir et pinailler, on aurait aimé avoir une petite aide de jeu qui rappelle les effets des cases, car sinon il faut plier son livret de règles pour y avoir tout le temps accès. Pour les premières parties, on s’y réfère suffisamment souvent pour que ce soit bien utile.

L’avis de Plateau Junior!

Vol de nuit est un jeu franchement exigeant mais pas complexe à intégrer, aux mécaniques originales qui vous immergent avec bonheur dans une aventure épique et historique. Grâce à de petites touches narratives subtilement intégrées dans le livret de règles et une présentation hyper soignée, vous vous mettrez facilement dans la peau de ces aventuriers de l’aéropostale, qui devaient braver tous les dangers. L’expérience est tendue, elle engage tout le monde autour de la table et sans temps mort, dans un même effort pour atteindre votre destination et ne pas perdre tout espoir en cours de route. Malgré la difficulté du jeu, la promesse de la durée de 30 minutes étant tenue, il est aisé et tentant de repartir pour un nouveau voyage en espérant pouvoir enfin atteindre l’aube cette fois-ci.

On pardonnera à l’édition ses petites errances de design qui seront, nous en sommes sûrs, évitées dans les prochains opus de ce qui augure d’une très belle gamme si 404 On Board poursuit dans cette voie. Nous, en tout cas, on espère de tout coeur qu’ils continueront à explorer d’autres monuments de notre si belle littérature pour nous offrir bien d’autres jeux tout aussi immersifs et originaux !

On aime

  • Une mise en place rapide pour des durées de parties courtes
  • Une très belle immersion
  • Un jeu tendu et original
  • Un matériel impeccable
  • Un prix super raisonnable
  • La rejouabilité et la modularité avec les différentes tuiles parcours recto-verso

On aime moins

  • Les incertitudes de certains points de règle
  • Certains pouvoirs d’aviateurs qui nous paraissent moins forts (coucou le Rêveur)
  • Jouer à trop de joueurs sinon c’est trop dur

Votre Junior peut aimer si

  • Il s’immerge facilement dans un thème
  • Il n’a pas trop de difficulté avec la latéralisation
  • Il n’a pas une mémoire de poisson rouge

Fiche Technique

  • Un jeu du Collectif Chatfouin
  • Édité par 404 On Board
  • Illustré par Maud Chalmel
  • Pour des parties de 30 minutes
  • 2 à 5 pilotes à partir de 12 ans

Le trouver

Pour aller plus loin

Il existe un mode épique, « La Ligne », où il faudra passer sur toutes les tuiles du jeu, avec la possibilité de recharger 10 cartes de carburant entre les tuiles et de récupérer un peu d’espoir, si vous arrivez à atteindre les cases relais. On imagine que le jeu peut ainsi durer plusieurs heures. A réserver aux pilotes chevronnés avec le plus d’heures de vol

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