Test – Clash à l’Olympe
Les Dieux, donc, décidèrent de s’expliquer une bonne fois pour toutes. À la table des négociations, divinités Nordiques, Celtes, Égyptiennes et Grecques tentaient de trouver un terrain d’entente afin de prouver aux autres qu’ils pouvaient gagner plus de fidèles que la concurrence, afin de pouvoir s’imposer comme Dieu Unique Ultra Super +, et relever ainsi une franchise en déclin. Les dieux se dirent qu’ils n’avaient pas grand-chose à y perdre et décidèrent d’envoyer leurs prophètes propager la bonne parole à travers le monde connu. Mais les prophètes ignoraient sans doute qu’ils allaient voyager… avec des pichenettes !
Clash à l’Olympe est un jeu de Paweł Stobiecki, Jan Truchanowicz, Łukasz Włodarczyk, illustré par Dagmara Gąska, Krzysztof Piasek, Piotr Hornowski, Agnieszka Pogan, Adrian Radziun. Il s’adresse pour 2 à 4 joueurs, et est localisé en France par Lucky Duck Games.
[Cet article a précédemment été publié sur plateaumarmots.fr, en voici une version mise à jour pour Plateau Junior.]
De la pichenette, mais pas que.
Clash à l’Olympe est un jeu de pichenette, donc. Mais pas que, loin de là. Si Little Town (que l’on testera un jour) est un jeu de pose d’ouvriers, on pourrait se risquer à dire que Clash à l’Olympe est un jeu de propulsion de prophètes. Car les jetons que l’on va pichenetter vont rameuter plus ou moins de fidèles en fonction de la zone où ils atterrissent… s’ils ne se font pas dégommer par un adversaire malicieux. On pourrait se risquer à dire, avant même d’aller plus loin, que Clash à l’Olympe est un peu la suite logique de Pitch out. C’est-à-dire un jeu où l’on va propulser des jetons à l’échelle tactique, et où il faudra quelque peu réfléchir ses coups avant de les tenter.
Mais je vous sens effrayés, allons ouvrir la bouaaate pour aller un peu plus loin.
Dans les secrets de l’Olympeuuu
La boîte, justement, est franchement sympathique, même si elle va clairement donner des cauchemars à vos étagères tant son format ne ressemble pas à grand-chose de l’univers ludique des marmots. La raison en est simple : la boîte (toute en longueur) dissimule en fait un élégant tapis de jeu, chose que tout jeu de pichenette devrait embarquer. Le tapis de jeu (d’excellente qualité, d’ailleurs) représente les quatre îles-nations dont sont issus les Dieux, et c’est pour le contrôle de ces zones que nous allons nous envoyer des jetons à la tronche.
Ces derniers sont nombreux et de différentes tailles, déclinés en quatre couleurs. Vous aurez ainsi accès à des missionnaires, des temples, mais également des templiers, un sphinx et un roi singe. La mauvaise nouvelle, c’est qu’il va vous falloir coller des stickers sur ces jetons, ce qui fera tout de même une grosse cinquantaine. Bref : ne vous attendez pas à jouer à l’ouverture.
Le jeu contient également des cartes de divinités recto verso, vous permettant d’incarner un Dieu avec des pouvoirs sympatoches, un paquet de cartes qui auront pour but de modifier les règles à chaque manche, et tout un tas de jetons pour signifier les points de victoire et quelques pouvoirs divins. Évidemment, dit comme cela ça semble un peu fouillis, mais vous allez voir qu’on va très bien s’y retrouver. En tout cas le jeu est plutôt généreux en contenu, ce qui fait toujours plaisir.
La règle, pour finir avec elle, est une petite déception. Elle est très claire, hein, pas de souci de ce point de vue. Mais à mon sens elle manque de mise en ambiance alors que le sujet s’y prêtait formidablement bien. Rien de grave, mais un peu dommage.
Qui ose défier la puissance de Zeus doit être pichenetté
Le but de Clash à l’Olympe (oui, le titre est un peu relou) consiste à imposer votre suprématie aux autres Dieux en remportant plus de fidèles qu’eux, fidèles matérialisés par des points de victoire. Le jeu se déroule en plusieurs manches, appelées « générations », aux termes desquelles le Dieu Ultime sera désigné.
Si je vais m’employer à vous décrire le jeu dans sa globalité, notez d’emblée que vous aurez probablement intérêt à y aller mollo sur les premières parties avec des enfants de 8 ou 9 ans. Non pas que le jeu soit difficile, mais parce qu’il est vraiment important d’en maîtriser les bases avant de se risquer à incorporer des éléments variables… Même s’ils sont parfois vraiment amusants ! Pour dire les choses autrement, je vais vous présenter le jeu dans son déroulement « fixe », c’est-à-dire en occultant la première manche qui, justement, bouleverse systématiquement les règles pour apporter une variété bienvenue. Oui mais voilà, ce changement permanent est vraiment compliqué pour des enfants de 8 ans, et vous aurez vraiment intérêt à poser les bases avant de vous aventurer plus loin. Là aussi on aurait apprécié une règle plus bavarde de ce point de vue.
Pour revenir sur la manche, elle se décompose donc en 3 phases. Dans la première, les joueurs votent pour une carte qui va modifier les règles de la manche… Voire de toute la partie. Dans la seconde phase (la principale) on se pichenette joyeusement la tronche, et dans la troisième on compte les points.
Le feu au culte
Zappons donc allègrement la première phase (appelée Phase de Lois) et attaquons d’emblée le pichenettage.
Le principe de la phase de Mission consiste à envoyer des jetons de prophètes en direction des 4 îles de la carte, afin de prendre contrôle des territoires. Enfin je dis quatre, il y en a même une cinquième, au centre, un ilot minuscule, mais qui pourrait attirer bien des convoitises, on y reviendra. Au moment de la mise en place, les joueurs choisissent un Dieu ou une Déesse et obtiennent une fiche de pouvoirs et des jetons de prophètes. Là encore, on lancera les premières parties sans activer les pouvoirs divins et en se concentrant sur le fight.
À tour de rôle, les joueurs doivent envoyer leurs prophètes en mission, en partant de leur propre zone du terrain. Symbolisée par des nuages, la zone de tir est énorme et correspond à tout un coin du tapis de jeu. On place son jeton à l’endroit de son choix, et hop, on l’envoie sur le tapis avec une pichenette. Si le prophète se perd en mer, plouf, il ne rapportera rien (à part pour quelques requins de passage). Mais s’il atteint une île, bingo, il pourra commencer à marquer son territoire, et surtout marquer des points en fin de manche. Il faudra bien sûr qu’il parvienne à rester sur l’île, car ses petits camarades se feront sans doute un malin plaisir de tenter de le dégommer pour le rejeter à la mer. À vous de le laisser à son sort ou de tenter de le remettre en piste avec un autre prophète de votre équipe : les jetons resteront en jeu jusqu’à la fin de la manche.
Enfin… pas tous !
On bâtit un temple, Shirley ?
Chaque île dispose d’une Cité, symbolisée par un cercle blanc. Si le prophète atteint la Cité (il suffit de toucher la ligne pour que ce soit validé), il tchatche avec la population et se fait bâtir un temple, gratos. Oui, carrément. En termes de jeu, le joueur peut alors défausser le prophète et l’échanger contre un temple, placé à l’endroit de son choix sur l’île. Les temples sont des GROS jetons, qu’il sera compliqué de dégommer, ce qui devrait pérenniser quelque peu votre présence (et votre score) sur les lieux. Les temples ont l’avantage de vous aider à scorer en fin de manche, de servir de défense contre les prophètes ennemis, mais aussi d’être les seuls à demeurer en place de manche en manche, ce qui est un précieux atout.
Autre manière maligne de marquer des points : si vous parvenez à toucher l’ilot central (zone d’Olympe Vahlalalesque, on va dire…), vous scorez d’emblée un point de victoire pour votre prophète (qui est défaussé), mais aussi un point pour chaque île où il assure une présence (via des prophètes ou des temples), ce qui peut donc lui permettre de marquer jusqu’à 5 points pour un simple tir ajusté, excusez du peu. Ce scoring est cumulable plusieurs fois par tour, et fonctionne même si c’est un adversaire qui vous pousse vers la zone cible.
Et puisqu’on aborde la question, il est évidemment possible de pousser ses propres pions et de dégommer ses adversaires, ce qui est toujours très satisfaisant, sauf lorsqu’on précipite par mégarde un pion ennemi vers une île que l’on convoitait avidement. Les déconvenues et les tirs foireux seront fort nombreux, vous voilà prévenus. Mais c’est bien là où se trouve tout le plaisir du jeu : réaliser des skill shots incroyables et prendre ensuite un air humble pour faire croire que le tir était volontaire. Toujours un régal …
Avez-vous vu MA lumière ?
La troisième phase, vous l’aurez deviné, est celle du scoring. Chaque joueur qui possède au moins un prophète ou un temple remporte un point de victoire pour chacune des quatre îles. Mais vous marquerez également 2 points supplémentaires si le total de vos prophètes et de vos temples sur l’île est supérieur à celui des autres joueurs. À vous de voir si vous préférerez prêcher la parole de votre Dieu aux quatre coins du planisphère ou si vous tenterez de vous créer un bastion imprenable pour un scoring régulier au fil des manches. Car on le reprécise : si les prophètes sont défaussés en fin de manche, les temples restent en place tant qu’un tir ajusté ne les envoie pas dans la mer ou hors des limites du monde connu. Le jeu se poursuit selon le nombre défini de manches, 4 lorsque l’on joue à 2 ou 4 joueurs, 3 lorsque l’on joue à 3, et le plus haut score final pourra soumettre les populations à son bon vouloir, comme dans un bon vieux Populous.
Lois et Pouvoirs
Une fois que vous aurez effectué plusieurs parties avec vos marmots avec ces règles que j’ai volontairement tronquées, vous pourrez peu à peu implémenter la première étape du jeu, celle des lois. Concrètement, il s’agit d’une phase dans laquelle les joueurs vont voter entre deux lois, tirées de la pioche. Ces lois, ce sont bien évidemment des changements de règles et de conditions de victoire, qui vont apporter pas mal de bordel de variété dans le jeu. Au fil des cartes, vous vous verrez par exemple récompensés si vous parvenez à éjecter des prophètes ennemis hors de la carte, vous devrez envoyer les prophètes deux par deux, faire rouler les jetons sur la tranche, jouer les yeux fermés ou vous livrer à un course de vitesse collective en temps réel. Bref, autant de situations différentes de gameplay et de décomptes de points que l’on ne recommande pas nécessairement d’utiliser dès vos premières parties.
Et ce d’autant plus que chaque Dieu dispose de pouvoirs qui lui sont propres, histoire là aussi d’apporter de la variété. Tous ne démarrent pas forcément avec les mêmes effectifs, et il y a de charmantes subtilités à utiliser une divinité plutôt qu’une autre. Anubis peut ainsi ressusciter un prophète par génération, Zeus peut bâtir ses temples où bon lui semble, etc. Là aussi, c’est un bon moyen de personnaliser le jeu, mais cela ajoute forcément de la complexité pour les premières parties.
Divines sensations
Bon, autant le dire tout net, Clash à l’Olympe est vraiment réussi. Placer ses jetons, se les faire dégommer, dégommer le dégommeur … C’est clairement un plaisir simple, mais efficace. Et quand ce plaisir se mêle à un peu de placement et de stratégie, cela fait clairement entrer le jeu de pichenette dans une autre dimension. On hésite toujours entre la prise du territoire le plus proche et le fait d’aller enquiquiner les adversaires chez eux. Certaines lois offrent davantage de points si vous allez prendre la zone la plus éloignée, ce qui est toujours valorisant. Le jeu est très varié lorsqu’on en applique l’ensemble des effets, et c’est un plaisir que de voter pour des lois souvent marrantes qui vont totalement métamorphoser les tours de jeu.
On s’éclate donc à incarner son Dieu et à scorer des points en montrant son adresse, et on se lamente alors qu’un tir qui semblait assuré précipite soudain l’adversaire vers la victoire. Parce qu’autant vous prévenir : on se tire quand même pas mal de balles dans le pied (que tous ceux qui ont déjà joué à Worms et ont vu leur propre grenade leur revenir sur la tronche suite à un ricochet malencontreux lèvent la main). Bref, il y aura autant de fous rires que de grincements de dents. L’idée d’avoir des jetons éphémères (les prophètes) et des jetons « fixes » (les temples) est vraiment excellente et permet des stratégies particulièrement audacieuses. Car ne nous y trompons pas : Clash à l’Olympe est avant tout un jeu de stratégie et de placement qui va vous inviter à cogiter un peu avant chaque tir. L’ordre du tour est aussi une constante à prendre en compte. Le dernier joueur aura toujours le dernier mot sur la manche, en venant parfois bousculer l’ordre établi.
Tu ne vas tout de même pas me faire une Cène ?
Et du coup, on sera tenté de dire que le jeu a les défauts de ses qualités. C’est-à-dire qu’il doit se jouer avec des marmots de même niveau, ou alors en élaguant un maximum les règles pour s’assurer de son accessibilité. Le jeu tire sa variété d’un mix entre les pouvoirs du Dieu et les lois votées à chaque tour. Bah dites vous bien que si vous balancez cela dans la tronche d’un enfant de 8 ans, vous allez sans doute devoir vous y reprendre à plusieurs fois, même s’il est champion interrégional de Pitch Car. Parce qu’outre la difficulté de viser juste, le calcul des points que va rapporter chaque tir est à prendre en compte, ce qui n’est pas forcément intuitif si vous changez les règles toutes les deux minutes.
Et puis lire la stratégie des adversaires est déjà assez compliqué comme cela, si vous ajoutez des tours où chacun doit jouer les yeux fermés, vous allez plutôt le diriger vers une frustration de mauvais aloi. Donc, commencez calmement et jouez de la manière la plus simple possible avant de bouleverser les règles. Vous verrez que la simplicité ne rend pas le jeu déplaisant, bien au contraire ! Et c’est sur ce point que la règle ne fait pas son job si on se place du point de vue du jeu avec des 8 – 10 ans. Au lieu d’ouvrir des portes et d’aider à l’apprentissage, elle envoie les règles sans se poser spécialement de question ni ouvrir les portes de son univers. Alors vous allez me dire « oh garçon, un jeu de pichenette n’est pas narratif », et vous aurez bien raison. Mais n’empêche. Au vu des dessins de divinités, au vu du potentiel humoristique des situations et des lois, on aurait volontiers pu en faire des tartines, façon Terry Pratchett dans « Les Petits Dieux ». Mais là, rien. Une règle fonctionnelle, mais toute riquiqui, qui vous balance les règles sans humour ni légèreté, format A5. C’est un peu bof au vu du potentiel « second degré » dont aurait pu jouir le jeu. Rien de grave évidemment, mais toujours un peu dommage.
L’avis de Plateau Junior
Clash à l’Olympe est une excellente surprise, une sorte de fils naturel de Pitch Out et de Flyin’ Goblin. Le jeu de pichenette traditionnel est ici très astucieusement adapté en jeu de stratégie pour un résultat particulièrement enthousiasmant, servi par une direction artistique fort réussie. Il s’adresse clairement aux grands marmots de 8 ans et plus, et même pour eux on recommandera quelques parties d’initiation sans variation de règles, afin qu’ils puissent faire leurs premières armes de placement stratégique. On notera aussi qu’il est sans doute préférable, au moins pour les premières parties, de jouer en tête à tête avec eux, les parties à 3 ou 4 devenant rapidement plus chaotiques. Bref : Clash à l’Olympe apporte une grosse bouffée d’air frais aux jeux de pichenettes et donne envie de découvrir d’autres jeux permettant un tel mélange de skill et de stratégie. Le sérieux du placement avec le côté foufou de la pichenette fonctionne redoutablement bien. On l’adapte sauce maison pour les plus jeunes, on s’éclate et on en redemande. Bravo : athée vous de l’essayer !
On aime
- Un jeu de pichenette stratégique !
- Accessible en y allant doucement
- Un matériel conséquent et réussi
- D’énormes possibilités de stratégie
- Très varié une fois toutes les règles intégrées
- Le fun de la pichenette, toujours énorme
On aime moins
- Des règles trop vite expédiées
- Manque un mode « initiation »
- Demande à être joué par des joueurs de même niveau
Votre marmot risque d’aimer si…
- Il vous met minable à Pitch Out ET à Small World 😀
Le trouver
Fiche Technique
Un jeu de Paweł Stobiecki, Jan Truchanowicz, Łukasz Włodarczyk
Illustré par Dagmara Gąska, Krzysztof Piasek, Piotr Hornowski, Agnieszka Pogan, Adrian Radziun.
Pour 2 à 4 joueurs
A partir de 8 – 9 ans.
Edité par Lucky Duck Games.