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Test – Aqualin

La Grande-Motte, Eté 2021. Il y a du rififi chez les poissons, crabes, et autres crustacés qui peuplent les eaux méditerranéennes. Oui, la colère gronde, silencieuse, dans le flot des vagues qui se brisent sur les rochers…

Ce n’est pas à cause des touristes qui perturbent leur sieste tous les étés. Non non, vous êtes loin du compte, le problème est tout autre. Voyez-vous, depuis la nuit des temps, il existe des spots stratégiques dans toutes les mers de la planète. Des recoins, à l’ombre des méduses, qui offrent une vue spectaculaire sur les merveilles sous-marines.

Mais dans la mer, comme sur la terre, la même règle immuable s’applique : premier arrivé, premier servi. Et les poissons, ça commence à les agacer quelque peu de devoir se battre pour avoir une place au soleil. Se faufiler discrètement, dès que Monsieur Crabe part en vadrouille, pour squatter son rocher, c’est trop fatiguant. Et nos petits poissons, ils aimeraient bien se (re)poser un peu… Pouvoir prendre tranquillement un verre d’eau salée en terrasse, sans risquer de se faire chasser à grands coups de pinces, ils en rêvent ! Mais, non contents de convoiter la meilleur place, ils veulent, en plus, y rencontrer les bonnes personnes. Ainsi, certaines créatures marines privilégient les repas de famille, là où d’autres préfèrent la compagnie des copains ou des voisins. Quel bazar !

Vous comprenez bien qu’ils ont besoin d’un peu d’aide pour réorganiser tout ça et ramener la paix sous l’océan. Parce que tous seuls, ils ne s’en sortent pas. Alors plus une seconde à perdre, les poissons comptent sur vous !

Aqualin est un jeu tactique de placement de Marcello Bertocchi illustré par Sophie Rekasowski. Initialement prénommé FeudaLink par l’auteur, il a été localisé en 2021 par Iello et s’adresse à nos Juniors de 8 ans et plus pour des parties d’environ 20 minutes. Il s’agit d’un jeu exclusivement pour 2 joueurs.

Y’a du beau monde dans l’océan !

Aqualin est un jeu abstrait dans lequel deux Juniors s’affrontent pour composer les plus jolis bancs de poissons (enfin surtout les plus gros !).

Alors oui, un jeu abstrait. C’est à dire qu’en substance, ne vous attendez pas à vivre de grandes aventures épiques sous l’océan, vous seriez fondamentalement déçus. Ici, on a juste des animaux marins à regrouper. Ni plus ni moins. Comprenez par là que s’il s’agissait de rassembler des Pokémons pour se créer une Team badass ou même de compiler des Smarties pour faire de jolis mandalas plein de couleurs, ça n’aurait rien changé au jeu. La mécanique prime sur le thème et c’est bien là la force du genre.

Pour autant, l’ouverture de la boite d’Aqualin nous invite directement au fond de l’océan. On y découvre un plateau quadrillé, de couleur bleue, ainsi que 36 tuiles en plastiques sur lesquelles sont dessinés des animaux marins. Crabes, poissons, tortues, hippocampes, étoiles de mer et méduses, 6 familles présentes, chacune, en 6 couleurs différentes : jaune, rouge, bleu, rose, vert et violet. Ainsi, vous l’aurez compris, comme 6 fois 6 égale 36, il n’existe donc qu’une seule tortue violette, un seul crabe rose, un seul poisson bleu, etc. Gardez bien cela en tête car ça a son importance pour la suite du jeu.

La règle du jeu, justement, tient sur deux pages. Pfiou, que ça fait du bien ! Elle est particulièrement bien illustrée et on peut commencer à jouer dès la première lecture sans avoir besoin d’y revenir autrement que pour vérifier le décompte des points, en fin de partie.

Et si on apprécie la légèreté des règles, que dire de la mise en place qui ne vous prend, en tout et pour tout, que 2 minutes top chrono ? On pose le plateau au milieu de la table on mélange les 36 tuiles face cachée (et Junior adore les brasser vigoureusement pour entendre le Gling-gling des tuiles qui s’entrechoquent) puis on en dévoile 6 qui constituent la rivière. Voilà, c’est tout. Vous êtes désormais prêt à en découdre au fond de l’océan.

Les petits poissons dans l’eau…

Oui, ils nagent aussi bien que les gros, vous connaissez la chanson.

Dans Aqualin, vos petits poissons vont devoir jouer des coudes nageoires pour se frayer une place auprès de leurs copains. Les deux joueurs poursuivent un même but : regrouper les créatures marines en banc. Et plus le banc est grand, plus il est lucratif en termes de points de victoire, avec une jolie courbe exponentielle côté gain. Ainsi, un banc de 2 poissons vous rapporte 1 petit point là où un banc de 4 poissons vous en rapporte 6 et un banc de 6 poissons vous en rapporte… pas moins de 15 !

Mais parce qu’on n’est pas dans un jeu coopératif, voyez-vous, chaque joueur a cependant une mission qui lui est propre  : l’un doit regrouper les animaux marins par couleur là où le second doit les regrouper par type. Un petit twist bien sympathique qui porte, à lui seul, tout l’aspect stratégique du jeu.

La règle du jeu indique qu’il peut être sympa d’alterner les rôles mais après quelques parties, vous constaterez que les Juniors ont tendance à choisir systématiquement le regroupement par couleur car c’est plus facile à visualiser pour eux. Cela ne pose aucun souci puisque, que ce soit par couleur ou par type, les règles sont identiques. Mais je dois bien avouer que, parfois, lorsque le plateau commence à se remplir, nos yeux fatigués ont bien du mal à repérer les animaux… Et donc, les bons coups ! Alors, nous aussi on se faciliterait bien la tâche en choisissant les couleurs mais les Juniors ne l’entendent pas de cette oreille. Aucune pitié pour nous, c’est la guerre dans la mer !

La tacatacatique du gendarme des poissons

Je l’évoquais plus tôt, l’avantage, dans les jeux abstraits, c’est que les mécaniques de jeux sont généralement très simples à appréhender. Et Aqualin ne déroge pas à la règle. À tour de rôle, chaque joueur va choisir une tuile parmi les 6 disponibles dans la rivière et la placer sur une case libre du plateau central commun.

La tuile choisie est alors remplacée puis c’est au tour du joueur suivant qui va effectuer la même action. On continue ainsi jusqu’à ce que les 36 tuiles soient placées, ce qui sonne la fin de la partie.

Ici, le premier joueur regroupe ses animaux par couleur (violet) à gauche du plateau et le second joueur par type (tortues et étoiles) à droite du plateau.

Dit comme ça, on a du mal à visualiser l’aspect stratégique du jeu. Suffirait-il, finalement, de jouer chacun dans son coin en organisant ses petits bancs pour gagner un maximum de points et remporter la partie ?

Pas si vite ! Je ne vous ai pas tout dit. Vous commencez à me connaître, j’aime ménager mes petits effets.

Avant de placer votre tuile, vous avez la possibilité de déplacer une (et une seule !) tuile du plateau, les seules contraintes étant qu’on ne se déplace pas en diagonale et qu’on s’arrête au premier obstacle qu’on rencontre (que ce soit un animal marin ou le bord du plateau).

Alors rien d’obligatoire, ceci dit, mais c’est quand même vivement recommandé de le faire. Parce que ça permet de casser les groupes de l’adversaires pour récupérer une place plus stratégique pour placer nos propres tuiles. Définitivement, gardez en tête qu’Aqualin est autant un jeu de (dé)placement qu’un jeu de placement, chacun de ces deux aspects étant primordial pour espérer remporter la partie.

Quoi de plus fun que de séparer Constantine et Séraphine, les étoiles de mer et méduses bleues de Junior pour y poser délicatement Saturnin l’hippocampe vert qui se retrouve, ohhh comme par magie, juste à coté de Rodolphe, l’hippocampe bleu ? (Oui, oui on leur a donné des noms aux animaux avec Junior, on trouvait ça plus sympa).

Vous l’aurez compris, cette action facultative apporte une bonne dose d’interaction dans le jeu en créant un plateau en perpétuel mouvement. Il faut séparer le plus possible les bancs adverses pour éviter de gros regroupements qui génèreraient des points de victoire conséquents en fin de partie.

Si en tant qu’adulte, cette action nous parait cruciale pour développer notre stratégie, chez nos Juniors, c’est un peu plus compliqué. Les premières parties, mon Huit’ans ignorait complètement la phase de déplacement. Il se contentait de déposer ses tuiles dans un coin, de faire ses petits (gros?) groupes et de marquer des points. Et les premiers scores ont été évidemment, pour tous les deux, très hauts.

Chacun chez soi et les poul(p)es seront bien gardés… (ou pas !)

Je vous rassure, ça ne durera pas.

Voyez-vous, l’un des inconvénients de vouloir faire des gros bancs de poissons, c’est qu’il faut de la place. Et avec un plateau limité à 6 cases de long et 6 de large, on finit nécessairement par aller fricoter avec les bancs de poissons voisins. Arrivera donc un moment où vous allez, fatalement, perturber les plans bien carrés de votre Junior en envahissant le territoire qu’il s’était scrupuleusement réservé. Et c’est là que le jeu devient vraiment fun.

Junior se retrouve obligé d’utiliser l’action facultative pour pousser vos propres animaux et se libérer les places de choix pour poser ses tuiles. Et le jeu le ramène, par la force des choses, vers son essence même  : dégommer les groupes du copain pour tirer au maximum le score de l’adversaire vers le bas.

Ici, le joueur a descendu le crabe jaune pour insérer son hippocampe rouge à la place. Il casse ainsi un groupe de 4 tuiles jaunes et agrandit son groupe d’hippocampes, le passant ainsi à 3 tuiles au lieu de 2 auparavant.

Alors, au début, c’est assez rigolo, car il ne bougera vos tuiles que d’une petite case, juste histoire de récupérer l’emplacement initial pour lui. Mais très vite, il s’aperçoit qu’envoyer votre crabe au bout du monde, c’est quand même mieux. Eh oui, ça vous oblige à utiliser votre propre déplacement pour le rapprocher à nouveau, lui conférant une légère avance sur l’organisation de ses propres bancs.

Au fil des parties, on voit donc évoluer nos Juniors qui passent de petits plongeurs pacifistes qui observent béatement de jolis bancs de poissons à des espèces de Wedding Planners redoutables qui optimisent chaque centimètre carré d’espace pour caser tous leurs invités. Les tours se font alors plus longs, la réflexion plus intense… Comment réussir à coincer l’autre à coup sûr ? Comment bouger ces tuiles pour maximiser mes gains sans lui créer d’opportunité ? Aqualin devient peu à peu un formidable jeu d’observation et d’anticipation, où il faut jauger son adversaire et les actions qu’il pourrait entreprendre aux tours suivants.

Alors évidemment, plus vous jouerez, plus Junior vous connaîtra et pourra, facilement, percer à jour votre stratégie. Et plus il sera à même d’anticiper vos moindres réactions. Mais pour autant, aucune partie ne se ressemble, croyez-moi. À la manière d’un jeu d’échecs, Aqualin déploie ses ailes et sa dimension stratégique au fil du temps, comme un bon vin qui gagne en saveur après quelques années. Un jeu parfait pour les amoureux des jeux qui font marcher les neurones.

L’avis de Plateau Junior!

Adepte depuis très longtemps de la gamme 2 joueurs de chez Iello qu’on joue aussi bien entre adultes (avec des titres comme l’excellent Watergate) qu’en famille, avec Junior (Visite Royale, Holmes, Paris Ville Lumière, pour ne citer qu’eux), il était évident que je me devais de tester Aqualin, leur petit dernier.

Pour être tout à fait honnête, je n’attendais pas spécialement grand chose du jeu. Sur papier, il ne m’avait pas fait l’effet Waouh qu’avait pu provoquer chez moi un jeu comme « Pour le Roi et Moi », sorti quelques temps plus tôt. Moins attirée par l’univers, plus froid que ses congénères, c’est surtout ma curiosité ludique (désormais célèbre à la rédac’ – je suis extrêmement bon public pour tester des tas de nouveaux jeux avec Junior) qui m’a donné envie de lancer une partie « juste pour voir ce que ça donnait ».

Et, vous savez, c’est souvent avec ce types de jeux, ceux dont on n’attend rien, qu’on se prend les plus grosses claques ludiques. Et Aqualin nous a fait cet effet à la maison car il a su convaincre toutes les générations qui y ont joué, du plus petit (Junior) au plus vieux (son arrière grand-père) tant sa simplicité est saisissante.

A une époque où la profusion de matériel est perçue comme un gage de qualité ludique, avec simplement 36 tuiles et un plateau, Aqualin nous transporte au fond de l’océan pour nous faire vivre une aventure hautement addictive. Si vous aimez les jeux abstraits, sachez qu’une fois la boite ouverte, vous enchaînerez une, deux, trois parties (si ce n’est plus) sans voir le temps filer tant ce petit jeu est malin. Les parties, toujours tendues jusqu’à la dernière seconde, vous feront vivre des duels au sommet avec des victoires souvent arrachées à un petit point près.

Concernant l’âge annoncé, sachez que vos Juniors de 8 ans s’en sortiront sans aucun souci pour agencer leurs petits poissons. Les règles étant extrêmement faciles à intégrer (deux actions uniquement), la seule difficulté pourrait être la compréhension des enjeux car ils ne parviennent pas toujours à identifier, dès le départ, les différents axes stratégiques. Pour autant, ce « défaut » reste inhérent à de nombreux jeux que l’on soit adulte ou Junior, et, après quelques parties, les petites hésitations des premiers temps ne seront plus qu’un lointain souvenir.

Aqualin fait partie de ces jeux qui mobilisent énormément de compétences à la fois : votre sens de l’observation, votre logique, votre capacité d’analyse, domaine dans lesquels les Juniors sont, mine de rien, de redoutables adversaires. Il leur permettra même de s’initier aux prémisses de la programmation (de manière très légère, certes) en essayant d’anticiper les coups de leurs adversaires sur plusieurs tours et en jouant leurs propres tuiles en conséquence. Et même aux statistiques en jaugeant habilement les chances que la tuile qui leur manque sorte au tour d’après.

Notez que nous n’avons pas constaté, non plus, de déséquilibre adultes/enfants lors de nos nombreuses sessions de jeux. La capacité d’anticipation des adultes est contrebalancée par la vision d’ensemble des Juniors, grâce à leurs jeunes yeux tout frais qui perçoivent des groupes que nous, parents, ne verrions même pas avec une loupe triple foyer (c’est moche de vieillir, je vous le dis). Un équilibre très appréciable qui créé peu de frustration chez nos Juniors, même en cas de défaite. Ils n’ont jamais la sensation de n’avoir aucune chance de remporter la partie et cela les motive à retenter le coup, juste pour voir s’ils feront mieux la prochaine fois.

Finalement, les sensations de jeux, dans Aqualin, sont vraiment très proches de celles ressenties lors d’une partie d’échecs. Les moments de réflexion sont intenses, les coups joués fébriles, les regrets, lorsqu’on a mal anticipé, nombreux. La tension ludique est palpable, mais néanmoins agréable, et donne envie de vite démarrer une nouvelle partie pour prendre sa revanche.

Mais parce que tout n’est pas rose dans l’océan bleu azur, j’émettrais cependant un petit bémol concernant la fin de partie. Si les correspondances taille du banc /points de victoire associés sont très vite assimilées par les Juniors (par contre, ne cherchez pas à tenir les comptes en allant, même en tant qu’adulte c’est très compliqué puisque les totaux changent à chaque tour), le décompte final peut sembler, quant à lui, un chouïa laborieux.

Une fois le plateau rempli, difficile de distinguer qui va avec quoi et je ne saurais que trop vous conseiller de procéder méthodiquement. De notre côté, nous avions opté pour une bonne vieille feuille de papier et un stylo pour faire un petit listing des différentes couleurs et créatures en les scorant une par une. Et cela prenait limite plus de temps que la partie en elle-même…

Mais ça, c’était avant d’apprendre que Iello avait mis à disposition une feuille de score, téléchargeable directement sur son site, juste ICI. Rangez vite vos Critériums et filez l’imprimer, ça fait gagner un temps fou  ! Vous pourrez ainsi enchainer encore plus de parties, c’est plutôt sympa, non ?

En définitive, Aqualin pourrait se résumer ainsi : un jeu ultra complet dans un petit écrin. Il n’en fallait pas plus pour l’adopter à la maison. Aussi vite installé, que joué (que compté, maintenant qu’on a les feuillets de score !) que rangé, je ne saurais que trop vivement vous conseiller de, vous aussi, l’essayer « juste pour voir ». Vous pourriez bien être conquis autant que nous l’avons été à la maison.

On aime :

  • La simplicité des règles
  • La simplicité des mécaniques
  • La qualité du matériel
  • La durée des parties
  • Un jeu qui peut rassembler les générations autour d’un même jeu

On aime moins :

  • Ben, à vrai dire, rien.
  • Bon, si vous insistez, que nos Juniors gagnent un peu trop souvent

Les Juniors aimeront si :

  • S’ils aiment les jeux abstraits
  • S’ils adorent le doux « gling gling » des jetons qui s’entrechoquent lorsqu’ils réfléchissent

Les Juniors risquent de moins aimer si :

  • Ils ont besoin d’un univers très marqué dans les jeux
  • Ils ont du mal à réfléchir sur plusieurs tours et à avoir une vision globale du jeu

Le trouver :

Pour aller plus loin :

Fiche du jeu :

  • Un jeu de Marcello Bertocchi
  • Illustré par Sophie Rekasowski
  • Edité par Iello
  • Pour 2 joueurs
  • De 8 ans et plus
  • Et des parties d’environ 20 minutes

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