Test – Ghost Adventure
Dressée sur les falaises, les ancestrales statues veillent sur le bien être des habitants de la petite île celte depuis plusieurs siècles. Mais un beau jour, une flotte de navires apparut à l’horizon et ne tarda pas à aborder l’île. Une nuée de barbares en surgit, et ils fracassèrent les statues. Leur but ? Capturer les esprits des anciens qu’elles abritent. Une fois les statues à terre, un puissant sorcier brandit son bâton et y enferma les esprits qui s’en échappaient, afin de s’accaparer leur magie. Les envahisseurs repartirent aussitôt après, laissant l’île sans défense. Mais un audacieux esprit, lui aussi libéré des statues avait réussi à prendre la fuite et à se cacher, assistant impuissant à la capture de ses congénères. Seul, il doit tout faire pour retrouver leur trace et les libérer.
Qui irait imaginer qu’un pitch pareil puisse révéler un jeu… de toupie ? À la lecture, vous vous voyiez déjà décimer des hordes de monstres avec une épée mystique à 2D10 dégâts, je sais, je sais. Mais ne soyez pas déçus, bien au contraire, car Ghost Adventure va vous emmener sur un chemin au moins aussi intense… et nettement plus original.
Original ? C’est peu de le dire ! Quel serait le point commun, en effet, entre un jeu de parcours coopératif, une toupie, du skill, des objets magiques, une bande dessinée et une quête épique ? Apparemment aucun ?
Et pourtant.
Ghost adventure est un jeu de Wlad Watin, illustré par Jules Dubost, Yann Valeani et édité par Buzzy Games et Spinboard. Il se destine à 1 à 4 joueurs à partir de 8 ans.
[Cet article a précédemment été publié sur plateaumarmots.fr, en voici une version mise à jour pour Plateau Junior.]
Un tournoyant souvenir de Cannes
Une aventure coopérative avec une toupie. Carrément ! Quand nous l’avions vu à Cannes, Ghost Adventure est clairement l’un des jeux qui nous avait le plus hypés. Parce que, ne nous le cachons pas, les jeux originaux ne sont pas légion, mine de rien. Et quand on tombe sur un concept pareil, autant dire qu’on ne le loupe pas. À Cannes nous étions conquis, certes, mais il nous tardait de voir si le jeu allait plus loin que son principe pour proposer une expérience de jeu complète. Après de longues heures passées dessus, nous voici rendus à l’impitoyable verdict. Et puisque vous avez déjà lu la conclusion de ce test avant de lire ces lignes, on peut d’ores et déjà répondre à cette question : oui, Ghost aventure est un jeu incroyable, l’un des grands titres de 2020. Il ne plaira peut-être pas à tout le monde, évidemment. Mais c’est une pure merveille, tenez-vous-le pour dit.
Maintenant que l’on a évacué ce détail, rentrons dans le vif du sujet.
Une boîte bien remplie !
Pour dire les choses clairement, Ghost Adventure est un jeu qui en met plein la vue dès l’ouverture, avec une pléthore de matériel, plutôt réussi. Le jeu contient quatre plateaux recto verso, magnifiquement décorés, qui représentent les 8 mondes que le fantôme doit traverser pour accomplir sa quête. Car oui, il s’agit bien d’une quête, matérialisée sous la forme d’une bande dessinée superbement illustrée. En bas de chaque page, un pictogramme vous indique quel parcours le fantôme doit accomplir pour avoir le droit de tourner la page. Vous avez réussi ? Parfait ! La page suivante vous donne le résultat de vos pérégrinations et vous envoie vers la suite de l’aventure. On s’en doute, cette progression narrative ne peut que nous ravir.
Le jeu propose également un livret de quêtes « libres » (qui contient des challenges de difficulté croissante et une série d’exercices solo), ainsi que quatre jetons « potion magique » qui représentent vos « vies ».
Mais ce que vous voulez vraiment ouvrir en premier, ce sont évidemment les toupies. Rangées dans une boîte distincte, elles sont au nombre de deux. La première est « simple », la seconde se lance avec une crémaillère. La boîte contient également une planche de stickers pour les décorer, ainsi que quelques pointes de rechange si les toupies venaient à se casser. Honnêtement, on n’en demandait pas tant !
La règle, bourrée d’exemples, est claire et permet de savoir jouer dès la première partie.
Silence, ça tourne !
Quel que soit le mode de jeu choisi, le principe reste identique, à quelques mini exceptions près. Chaque quête vous demande de parcourir un (ou plusieurs) plateau afin de remplir des objectifs assignés. Ces objectifs, ce sont des illustrations de personnages ou d’objets sur lesquels votre toupie doit stationner une seconde afin d’être validés. La toupie se lance sur le point de départ de chaque plateau de jeu, un cercle de pierres, et sera ensuite déplacée en inclinant délicatement le plateau dans la direction désirée. Chaque plateau est composé de chemins et d’obstacles et plus vous éviterez le frottement de la toupie contre les bordures des chemins, pour vous conserverez son inertie longtemps. Il faut donc se montrer aussi précis que délicat dans les déplacements pour avoir le temps d’accomplir les objectifs fixés par la quête.
Des mondes vivants
Énorme réussite de ce Ghost Avdenture, les plateaux de jeu sont aussi somptueux que riches en surprises. Composés de plusieurs couches de cartons superposées, ils révèlent de nombreux chemins sur plusieurs niveaux, qui demanderont à la toupie de savoir glisser d’un plateau à l’autre, mais aussi d’emprunter ses passages compliqués au bord du vide ou de sauter pour atteindre des zones plus élevées.
Si tous les plateaux sont différents, vous retrouverez néanmoins plusieurs éléments communs sur chacun, vous permettant de réaliser des actions lorsque la toupie les atteint.
Chaque fois que vous atteignez le cercle de pierres, par exemple, vous « sauvegardez » votre progression et ne repartirez pas de zéro si votre toupie s’arrête. Car oui, votre toupie a le droit de s’arrêter (sauf si vous jouez en rêvant que vous êtes dans un rêve), mais cela vous coûte alors une « vie », c’est-à-dire un jeton potion magique que vous retournez sur sa face « vide ».
Il sera néanmoins possible de remplir ces fameuses potions en atteignant un symbole de ce type sur le plateau. Ils sont souvent planqués dans des zones difficiles d’accès, mais peuvent vous octroyer une vie supplémentaire si vous parvenez à les atteindre.
Les plateaux possèdent tous une zone de sortie, permettant de faire glisser la toupie vers le plateau suivant. La toupie devra alors être déposée sur le cercle de pierres du nouveau plateau.
Chaque plateau dispose également de plusieurs « boutons » de saut, qui vous permettent de faire sauter la toupie pour lui faire atteindre une zone plus élevée. Ce sont les seuls endroits où vous serez autorisés à le faire, d’ailleurs, ce qui vous obligera parfois à retraverser le plateau dans l’autre sens en passant sur une corniche plus ou moins étroite pour atteindre votre cible. Notez que si vous devez passer par un bouton pour sauter, vous pouvez redescendre comme bon vous semble.
Les boutons de téléportation vous permettent de faire sauter la toupie sur un autre plateau, directement à l’endroit de votre choix (si vous êtes assez précis pour cela). Notez même que certains niveaux (les plus difficiles) exigeront que vous fassiez sauter la toupie sur le verso du plateau que vous avez en main, en lui donnant assez d’impulsion pour que vous puissiez le retourner. Compliqué, mais pas impossible. En revanche, la difficulté ultime sera de faire ainsi sauter la toupie du recto vers le verso ET d’atteindre immédiatement une cible précise à la retombée de la toupie (typique d’un combat de boss de jeu vidéo). Et là, il va vous falloir un peu de pratique, c’est moi qui vous le dis.
À l’aventure !
Une mission typique vous amener donc à alterner plusieurs plateaux, en vous faisant cheminer à la recherche d’éléments sur chacun d’entre eux. Vous avez droit à trois essais pour lancer la toupie (mais vous devrez conserver le 3e quoiqu’il arrive), et vous voilà partis à baguenauder dans les pâturages, sur les plaines gelées ou carrément en plein Mordor, avec un bog boss à défourailler.
Qu’il s’agisse du mode aventure (16 missions) ou des modes Quête ou Solo, la marge de progression est incroyable et vous amène à des niveaux de finesse dont vous ne vous seriez a priori jamais crus capables. Le fait d’avoir 8 mondes différents combinés à la narration du mode aventure permet d’éviter la sensation de répétition, même si l’on conseillera évidemment de jouer par petites sessions pour « faire durer » le plaisir de découvrir l’histoire, fort sympathique au demeurant.
L’alchimie est en effet totale entre le narratif et l’adresse, puisque nos imaginaires remplissent les blancs auxquels la bande dessinée ne répond pas. Et c’est peut-être le seul petit bémol du mode aventure : la quête vous fait parfois aller d’un objectif à l’autre, mais sans forcément les justifier par l’histoire, ce qui donne parfois une sensation de « vide à combler » un peu bizarre. Sur d’autres pages, au contraire, tous les objectifs sont justifiés, ce qui est alors vraiment plaisant pour l’aventurier en herbe.
Du pur coop’
En termes de jeu, qu’est-ce que cela donne ? Chaque partie ressemble en fait à un passage de relais. Un joueur prend le premier plateau, sur lequel est placée la toupie. Les autres joueurs l’encouragent et lui donnent des conseils, mais ils se tiennent surtout prêts. Car dès que les objectifs sont accomplis sur un plateau, un autre joueur doit se tenir prêt avec le plateau suivant, et le placer le plus délicatement possible en vis-à-vis du premier, afin de faciliter le passage de la toupie. Le second joueur doit alors accomplir les objectifs, etc. Certes, il n’y a qu’un seul joueur qui manipule la toupie sur chaque plateau, mais les autres sont tellement impliqués dans le processus qu’ils ne s’ennuient pas une seconde, bien au contraire. On pourra toutefois rêver un jour à une version qui permettrait à deux joueurs de faire évoluer des toupies en simultané, même si c’est tout à fait bidouillable en « règle maison », vu qu’il y a deux toupies dans la boîte.
Une difficulté progressive
Le jeu est indiqué 8 ans et plus. Dans les faits, les premiers niveaux peuvent être accomplis bien avant, dès 5 ou 6 ans. Il est vrai que la difficulté monte rapidement, mais en vous laissant toujours cette petite marge vous indiquant que la réussite est possible en vous acharnant un peu. Le jeu n’est jamais punitif et donne envie d’aller de l’avant, voire d’essayer de nouvelles stratégies en empruntant des boutons de téléportation ou en partant en quête d’une potion pour se rebooster.
Sur ce point la réussite est totale et les niveaux donnent envie d’aller toujours plus loin, qu’il s’agisse de dévoiler la suite de l’histoire ou d’accomplir le mode quête avec des niveaux de plus en plus difficiles. Le plaisir est au rendez-vous et la durée de vie conséquente. Que demander de plus ?
Et pourtant elle tourne ?
Mais demandons plus, justement ! Nous parlions des règles, en introduction. Elles sont claires et très illustrées, mais elles mériteraient d’être un peu plus conséquentes. Les auteurs sont partis sur un quatre pages, mais il y aurait sans doute eu la place pour un 8 pages, avec petite intro en aidant les parents à comprendre pourquoi le jeu est composé de pas moins de quatre livrets et feuillets différents. Cela manque d’un peu d’accompagnement, alors même que le jeu est très pédagogue dans la règle stricto sensu. Et prendre un peu de place aurait été l’occasion de développer encore le storytelling et d’installer plus durablement encore le joueur dans l’aventure.
Et puisque l’on parle d’aventure… bah elle est comme les fingers de m’sieur cadbury : à peine fini on en voudrait encore (même si les derniers niveaux tiennent de la haute voltige, attention). On voudrait surtout un mode aventure plus détaillé, avec une narration encore plus poussée, résumant notre tour de jeu précédent comme un « replay » nous permettant de comprendre certains objectifs et enchaînant sur la suite de l’histoire. Il aurait été amusant, aussi de pouvoir collecter des items permettant d’avoir un effet sur la suite de la progression. Un pont coup devenant soudain empruntable au moyen d’une corde collectée plus tôt, etc.
Bref, le double de pages, sans doute. On est exigeants ? Sans doute. Mais on assume !
Crémaillère ou manuelle ?
Un petit mot pour finir sur le choix de la toupie à lancer. Objectivement celle à crémaillère tient plus longtemps la route que celle lancée à la main, mais la seconde est évidemment plus rapide à lancer et « casse » moins le rythme des parties. On notera aussi que la crémaillère est parfois difficile à engager dans son rail, même par des marmots qui bouffent de la Beyblade depuis qu’ils ont 4 ans. Bref, s’il est génial d’avoir le choix et même si objectivement les chances de gagner sont plus fortes avec la toupie « mécanique », les deux permettent un fun différent et vous pourrez les alterner sans souci.
Quel que soit le mode, quelle que soit l’aventure, quelle que soit la toupie, le plaisir sera donc au rendez-vous, pour de très longues heures de haute voltige millimétrée. On en redemande.
Un jeu pour tous ?
Avant de se ruer vers l’achat, on vérifiera toutefois que notre adn ludique nous rend compatible avec le titre. En effet, Ghost Adventure est typiuement un jeu « crossgenre » de dextérité narrative, comme pouvait l’être Slide Quest en son temps. Ce type de jeu, qui appuie une idée très simple (la toupie, soyons clairs, ne réinvente pas la roue) sur un fond narratif ne plaira évidemment pas aux plus gros joueurs, épris de dés, de cartes, de probas et de bluff. Ghost adventure, a bien des égards, est un jeu très enfantin qui nous invite à scénariser le voyage d’une toupie comme Slidequest ou Perlatette scénarisaient un parcours de billes. Nous on adore, mais on sait déjà que le jeu n’est pas fait pour tous les joueurs.
L’avis de Plateau Junior
La première impression était la bonne : Ghost Adventure se révèle être une énorme réussite. Aussi original que fun, le jeu a su prendre le temps d’explorer son concept pour livrer un contenu conséquent et varié. Que l’on soit dans la campagne narrative ou dans un simple challenge pour passer quelques minutes, le jeu délivre quelques moments épiques où chaque victoire montre la progression de son skill. Mieux encore, le jeu laisse des souvenirs de passages improbables, comme un saut par-dessus un ravin ou un retourné de plateau acrobatique avec une toupie lancée haut dans les airs. C’est intense, c’est original, c’est vivant, c’est coop’, et c’est surtout très très fun. Vivement la suite !
On aime
- Un concept super original
- Un univers attachant
- Le lien entre les prouesses à la toupie et le développement de l’histoire
- Plusieurs modes de jeux
- Plusieurs niveaux de difficulté
- Aussi fun à plusieurs qu’en solo
- Une juste reconnaissance du skill
- Une énorme marge de progression
On aime moins
- On en aurait voulu plus !
- Certains joueurs seront hermétiques à la simplicité du propos : « ça reste un jeu de toupie, hein ».
Vous aimerez ce jeu si
- Vous avez aimé slidequest
- Vous aimez les jeux originaux
- Vous aimez les challenges coop
Le trouver
Fiche technique
- Un jeu de Wlad Watine
- Illustré par Yann Valeani, Jules Dubost
- Edité par Buzzy Games et Spinboard
- Pour 1 à 4 joueurs
- A partir de 8 ans, mais jouable facilement dès 5/6 ans.
C’est vraiment un chouette jeu, très bien réalisé et addictif …. pour qui n’est pas réfractaire aux toupies (j’en ai vu).
Je recommande.