Test – Agricola Famille
Quand on parle de jeux cultes, Agricola est un des premiers jeux cités par les ludistes adultes et ce, depuis plus de 15 ans. Pour autant, impossible de sortir ce jeu avec nos Juniors tant il est complexe et long (et moche). Pourtant, tant de fois on s’est dit qu’un tel thème et autant d’immersion les emballeraient, mais chez PJ! nous ne sommes pas de la team des parents qui font jouer leur progéniture à leurs jeux favoris pour se faire plaisir à EUX. Alors on attend, tranquillement (parfois en envoyant des messages subliminaux). Et voilà que le maître Uwe Rosenberg nous propose une version édulcorée, accessible à nos Juniors, qui vont enfin pouvoir s’exercer au dur métier de fermier en faisant prospérer leur exploitation.
Simplifier Agricola sans le dénaturer, un pari risqué ? Malgré quelques appréhensions, je vous invite à venir avec moi découvrir cette nouvelle version.
Agricola Famille est un jeu de Uwe ROSENBERG, illustré par LIMETOWN STUDIO édité par FUNFORGE, pour 1 à 4 joueurs, à partir de 8 ans pour des parties de 45 minutes/1heure environ.
[Ce test a été réalisé sur un jeu payé avec nos propres deniers. Non pas que ça change quoi que ce soit à notre avis mais au moins vous êtes au courant ;)]
Ne mettons pas la charrue avant les bœufs !
Agricola famille est un jeu de gestion de ressources où votre but sera de faire prospérer votre ferme et votre famille. Et quand je parle de ferme, je parle bien de la totale : la maison bien sûr, mais aussi les champs de culture, le bétail et la nourriture pour tout ce petit monde.
Un panier bien garni
La première chose qui nous saute aux yeux dans cette version famille c’est l’illustration de la boîte, pleine de pep’s et beaucoup moins austère que sa version mère. Ceci est de bon augure pour la suite de la découverte.
Parlons-nous clairement, à la découverte du matériel, on a vraiment cette sensation grisante d’en avoir pour notre argent devant cette opulence de meeples et de tuiles.
À tous les fans de matos à manipuler, dont je fais partie, welcome au paradis : des ressources (blé, roseau, bois et argile), du bétail (bœuf, mouton, cochon), des étables et des meeples fermiers et tout ce petit monde en bois fait d’Agricola Famille un jeu qui claque déjà visuellement.
Bien sûr, vous trouvez aussi dans cette boîte 1 plateau de jeu à l’iconographie parfaite, des tuiles pâturages, des aménagements, des tuiles mendicité (fuyez-les surtout), des jetons repas et des tuiles maisons pour le matériel le plus notable.
Même si on ne s’attardera pas sur la version mère (car elle n’est pas destinée à nos juniors) on note, de prime abord, la disparition des 120 cartes actions dans cette version famille. Les cartes aménagements (58 dans la version classique) ont également été remplacées par 11 tuiles ce qui nous laisse supposer, à première vue, un gameplay plus fluide et adapté à nos juniors.
Vous l’avez compris on est déjà subjugués par l’édition, on espère donc que le plaisir de jeu sera à la hauteur du travail éditorial.
Fais bref, Lulu !
Une partie d’Agricola Famille se déroule en 14 tours de jeu, chaque tour représentant une journée de dur labeur. Les journées se ressemblent toutes dans l’organisation : on pose son fermier sur une case action et on résout l’action. Celle-ci peut être : la collecte de ressources, la conversion de ces ressources en nouvelle pièce ou leur utilisation pour s’acheter des parcelles de champs supplémentaires, des aménagements ou des étables.
On se prépare !
Dans Agricola Famille la mise en place est cossue mais facilitée par une iconographie claire et très explicite. En effet, on installe le plateau qui comporte les cases actions, les flèches présentes désignant la ressource à positionner à chaque nouveau tour. C’est d’ailleurs ainsi que vous allez voir les ressources s’accumuler si elles ne sont pas ramassées. Le chemin pavé, à droite du plateau, fait office de compte-tour et libère donc des cases actions numérotées au fur et à mesure de l’avancée de la partie.
On ajoute les aménagements spéciaux et le plateau est prêt à se voir exploiter et recevoir vos fermiers.
Chaque joueur démarre avec une maison de départ en bois, 2 fermiers de sa couleur et quelques (trop peu) jetons repas suivant sa place dans le tour de jeu.
Faut qu’j’travaille…
À chaque début de journée, il faut partir travailler. Une action consiste à positionner votre fermier sur une case libre (et disponible selon le compte-tour) et de la résoudre immédiatement.
Encore une fois, l’iconographie nous simplifie la lecture de ces actions. En effet, les tuiles avec une flèche colorée vous font récolter les ressources s’y trouvant. Les tuiles avec le symbole « + » vous permettent de prendre le/les élément(s) indiqué(s). Enfin, la flèche noire vous permet de transformer les ressources mentionnées en l’aménagement indiqué.
Un fermier correspond à une possibilité d’action ; et là, vous avez déjà compris tout l’intérêt de faire croître sa quantité de fermiers et donc de main d’œuvre. C’est ainsi que vous pouvez sur un tour de jeu avoir 3 actions possibles alors que votre adversaire n’en a que 2 (et vice versa bien sûr) et croyez-en notre expérience, faites en sorte que cette configuration de « déséquilibre » ne se produise pas à votre désavantage. Sur toutes les parties que nous avons jouées, il est d’ailleurs rare qu’un des joueurs laisse l’écart se creuser au risque de se retrouver grandement à la ramasse.
À moi, veaux, vaches, cochons
Mais revenons à nos moutons… Lorsque vous placez un de vos fermiers sur une case action avec des animaux (sangliers, moutons, bœufs) vous prenez tous les bestiaux qui s’y trouvent. Par contre, il va vous falloir les placer immédiatement dans votre ferme et donc avoir de la place dans vos pâturages. Ces fameux pâturages que vous avez acquis grâce à la tuile correspondante en y positionnant un fermier et en payant son coût. Ça y est, je sens que vous avez compris le coup !
Une tuile pâturage qui rejoint votre ferme comporte 2 informations : son coût en bois et sa capacité de stockage. Ainsi, avant de faire venir à vous des animaux assurez-vous bien de pouvoir les accueillir, surtout qu’on ne mélange pas les races d’animaux dans un même enclos.
Et, plus vous avez d’animaux dans votre ferme, plus vous avez de points en fin de partie, mais vous allez voir, par la suite, que les animaux ont également une toute autre utilisation grandement indispensable.
On met aussi les mains dans la terre
Oui parce que le but premier d’une ferme est quand même de travailler la terre (enfin dans mes yeux d’enfant, ça reste l’attrait principal). Et je n’ai pas été déçue par Agricola Famille en ce sens. En effet, plein d’actions différentes, comme labourer un champ, récupérer des céréales et semer, vous permettent de voir fructifier vos plantations.
Si j’avais un marteau…
Et oui, avec toutes ces ressources accumulées, que ce soit le roseau, l’argile ou le bois, vous allez avoir le plaisir de construire de nouveaux bâtiments pour agrandir votre ferme.
Il vous est d’abord possible d’agrandir votre maison. Non pas que vous ayez des rêves de maison hollywoodienne, mais il s’agit d’une condition sine qua non pour intégrer un nouveau membre à votre famille avant le 12ème tour. Pour ce faire, on a compris le truc, vous placez un fermier sur la case action qui transforme des ressources en une nouvelle pièce de votre maison et bim ! Vous pouvez ajouter une nouvelle tuile maison à votre ferme personnelle.
Vous avez également la possibilité de construire des étables, et ça vous allez adorer ! En effet, lorsque vous construisez une étable, en payant le coût, vous la placez dans l’enclos de votre choix et en doublez instantanément la capacité de stockage.
Et maintenant, que vous avez agrandi votre ferme, vous pouvez envisager d’accueillir un nouveau fermier ce qui vous permet de gagner dès le tour suivant une possibilité d’action supplémentaire. Mais méfiez-vous car il va falloir nourrir tout votre petit monde et c’est là qu’Agricola Famille va vous rendre chèvre !
Vient l’heure de la récolte
Lorsque votre indicateur de compte-tour passe par le symbole récolte (tous les 2 ou 4 tours), c’est l’heure d’entamer cette phase qui va se dérouler en 3 étapes.
D’abord, comme son nom l’indique, vous allez pouvoir récolter les céréales de vos champs. Cette action consiste à prendre 1 céréale par champ et la placer dans votre réserve personnelle ce qui les rend donc disponibles.
C’est ensuite le moment préféré de Junior : la reproduction des animaux. Si vous avez des couples d’animaux vous pouvez ajouter un animal (et un seul) de la même espèce, dans votre enclos ou votre maison, toujours à condition que vous puissiez les stocker.
Et enfin, il faut s’assurer que tous les habitants de votre ferme puissent manger à leur faim. Ainsi, vous devez pouvoir fournir 2 repas par fermier en votre possession. Pour ce faire, il existe plusieurs manières de récupérer des repas. La plus simple est d’avoir récupéré des jetons repas, au cours de la partie, sur les cases actions correspondantes. Vous pouvez également échanger une céréale de votre réserve (donc disponible) contre 1 repas ou bien utiliser un de vos aménagements spéciaux pour en produire (j’y reviens).
Mais là où le bât blesse c’est si vous n’avez pas assez de repas pour nourrir votre famille, cette situation va clairement vous faire grincer des dents. Pour chaque repas manquant, vous prenez une tuile mendicité qui vous fera -3 points en fin de partie.
Il faut donc augmenter son nombre de fermiers en anticipant bien son stockede nourriture car ça peut être autant la clé de la réussite que celle de l’échec. C’est vraiment un point à garder en focus dès le début de la partie. Lors de notre première partie, on s’est d’ailleurs retrouvés à court de jetons mendicité tellement nous avions mal géré cette ressource. Et on s’est promis que plus jamais on ne s’y laisserait prendre… enfin ça, c’est sans compter sur les aléas d’une partie d’Agricola Famille.
Car rien n’est jamais fixé, il n’est pas rare de devoir changer son fusil d’épaule, soit parce qu’une action n’est pas accessible, soit parce que d’autres opportunités s’offrent à vous. Ainsi, Agricola Famille va vous demander de l’anticipation mais il ne va jamais falloir rester bloqué sur une unique stratégie.
Les aménagements viennent vous sauver la mise
En effet, les aménagements que vous pouvez soit récupérer, soit actionner directement sur le plateau commun, vont vite vous paraitre indispensables. Ceux-ci vont, entre autres, vous permettre d’échanger des animaux de votre exploitation contre des repas pour vos fermiers (minute Green : la végétarienne que je suis apprécie d’ailleurs, naïvement, qu’on ne nous parle pas de transformer les animaux en repas mais plutôt de les échanger). D’autres aménagements vont vous permettre, quant à eux, d’échanger des ressources habituellement utilisées pour la construction contre des repas ou des points de victoire, en fin de partie.
Il ne faut jamais négliger ces aménagements car ils vous apportent un sacré avantage sur la phase délicate (et méga stressante) des repas familiaux.
Mais vous aurez compris qu’en fait, aucune action n’est à négliger et ce qu’on a adoré dans Agricola Famille, c’est justement cette pluralité d’actions et la nécessité de trouver le bon équilibre pour tout optimiser au mieux. À cet effet, le compte-tour qui débloque des actions supplémentaires est super malin et apporte de la profondeur au jeu au fur et à mesure que la partie avance.
14 jours de taff et ça suffit
A l’issue du 14ème tour de jeu, vient l’heure d’admirer votre dur labeur, l’achèvement de votre ferme et, accessoirement, de compter les points. C’est ainsi que chaque tuile de votre ferme vous fait marquer 1 point, chaque fermier 3 points, chaque étable 1 point tout comme chaque animal et chaque céréale dans vos champs. À cela, vous ajoutez vos points apportés grâce aux aménagements puis vous retranchez les éventuels points de mendicité.
On notera tout de même qu’une fiche de score nous aurait bien aidé dans cette tâche.
Au risque de vous paraître un peu perchée (mais on n’est plus à ça près), le plus grisant dans une partie d’Agricola Famille c’est d’observer la ferme que l’on a construite. À la maison, nous n’avons ressenti que très peu de frustration concernant le score final. Et quelle que soit l’issue de la partie, ce fut toujours un plaisir pour Junior d’admirer le fruit de son travail.
Alors il manque quoi dans cette ferme ?
En plus du bloc de score vous voulez dire ?
Agricola Famille est un jeu sans interaction directe. Comme avec Junior, on commence à prendre plaisir au Take That, on se dit qu’une petite option de vol dans la ferme de l’autre aurait pu ajouter une autre dimension au jeu, juste histoire d’ajouter un peu de vacheries quoi.
Des points bonus sur la diversité animalière auraient été les bienvenus aussi car si vous choisissez de tout miser sur les moutons (accessibles dès le début donc en plus grande quantité), vous scorez de la même manière que si vous avez construit un enclos de mouton + 1 enclos de sangliers + 1 enclos de bœufs. Alors que, soyons honnêtes, cela demande bien plus de travail.
Et c’est Junior tout ça ?
Alors : ça dépend (le premier qui pense « ça dépasse » gagne mon estime à vie) !
C’est quoi pour vous l’âge d’un junior ? Contrairement à l’âge annoncé, pour les 8-10 ans, ça va avoir du mal à passer sereinement (c’est à dire sans cris et sans larmes). Au-delà, si Junior est déjà bien rodé aux placements d’ouvriers et à la gestion de ressources, ce qui était le cas du mien, ce jeu est fort plaisant et comblant. Mais ne vous y lancez pas tête baissée, emballé par l’illustration Junior-friendly et le 8+ affiché par l’éditeur. Des jeux comme Little Town me paraissent beaucoup plus adaptés pour se lancer avec un junior (de 10 ans déjà) sur ce genre de mécanique et beaucoup moins frustrant (et stressant). Mais une fois le pli pris, revenez consolider votre expérience à Agricola Famille car il mérite d’être joué et est très grisant dans sa complétude. Tout ceci sous réserve que ce genre de jeu à combo d’actions avec une multitude d’objectifs soit votre came, car dans le cas contraire : fuyez pauvre fou !
L’avis de Plateau Junior!
Cette version famille reprend le meilleur de son grand frère (qui a dit grand-père ?) car les mécaniques, bien qu’épurées, restent les mêmes. Le tout, pour des parties bien plus courtes (Alléluia). Cette version est, cette fois, accessible pour nos grands juniors mais aussi pour les moins joueurs des adultes : un vrai jeu familial. Mais ne vous y trompez pas, il ne s’agit pas là d’une version Kids d’Agricola : que nenni ! Ne prenez pas non plus Agricola Famille pour ce qu’il n’est pas, à savoir un jeu d’initiation à la gestion de ressource, il n’en est rien. À mon sens, l’âge annoncé de 8 ans me paraît beaucoup trop juste sauf, à la rigueur, s’il s’agit d’un 8 ans déjà gros joueur, qui maitrise bien la gestion de ressources et qui a été biberonné à l’Age de Pierre Junior (et a déjà fait ses armes à Little Townn). Et encore… Quoi qu’il en soit pour Junior, prévoyez une partie d’initiation afin de bien appréhender les différentes ressources et leurs utilisations.
Je pense clairement que ce jeu peut scinder, de manière très binaire, les joueurs. En bref : on aime ou on aime pas ! Ici, le plaisir ludique est très présent : on aime vraiment se poser et anticiper, réfléchir, optimiser. Mais je dois bien avouer qu’après 2 parties d’affilée, Junior est HS et je vois presque des signaux de surchauffe sur son crâne.
Soyons clairs, Agricola Famille nous a comblés et nous ne sommes absolument pas restés sur notre faim (contrairement à bon nombre de nos fermiers) tant par la qualité et la diversité du matériel que par la pluralité des actions possibles. Un jeu exigeant, très immersif pour nos juniors, mais quel plaisir de voir évoluer sa ferme !
En bref, une belle adaptation, qui conserve tout le bon d’Agricola : savoir faire prospérer sa ferme et sa famille, choisir, se mettre la pression sur les actions à favoriser, nourrir sa tribu et surtout AN-TI-CI-PER. Tout ceci en gommant, ce qui peut rebuter les juniors avec son grand frère : le trop plein de nœuds au cerveau et les parties d’une longueur à n’en plus finir. Sans compter que, ça reste entre nous, mais la version « classique » n’est pas hyper sexy. C’est donc un point bonus pour Agricola Famille qui m’a fait prendre un réel plaisir là où Agricola m’avait laissé un goût amer de trop plein dans tous les domaines.
Cependant, pour les raisons évoquées plus haut, on n’enchaînera pas les parties avec Junior, qui le demande encore régulièrement mais jamais pour plusieurs parties d’affilées. Après tout, il faut savoir ménager la chèvre et le chou (oui ça y est on est des vrais fermiers) !
On aime :
- La qualité du matériel
- Les multiples actions possibles
- Voir sa ferme se développer
- Pouvoir se retrouver en famille autour d’un jeu de gestion exigeant
On aime moins :
- Enchaîner les parties
- Ne pas avoir de bloc de score
- Ne pas être récompensé pour une exploitation animalière diversifiée
- La préco d’âge sur la boîte beaucoup trop optimiste
Vos juniors aimeront si…
- Ils sont déjà bien calés sur les jeux de gestion de ressources
- Ils aiment voir leur plateau évoluer au fil de leurs actions
Vos juniors peuvent s’y ennuyer si…
- Ils n’aiment pas les jeux trop longs
- Ils ne savent pas faire des choix
Fiche technique
- Un jeu de Uwe ROSENBERG
- Illustré par LIMETOWN STUDIO
- Edité par FUNFORGE
- Pour 1 à 4 agriculteurs
- A partir de 8 ans (10 ans serait plus juste)
- Pour des parties de 45 minutes/1heure