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Test – Tokaido Duo

Les feuilles tombent
Sur les feuilles
La pluie tombe sur la pluie.

Katô Gyôdai, 1732-1792

Commencer par vous dire que le Japon m’attire et me fascine tient du lieu commun absolu.

Parmi la communauté des joueurs, et le reste du monde d’ailleurs, il semble qu’il y ait peu de gens qui n’ont jamais rêvé de poser le pied au Pays du Soleil Levant. Et pourtant, pour moi qui aie eu l’opportunité d’y aller pas mal de fois pour le boulot et le perso, le Japon, c’est surtout une terre où je pose le pied et ai immédiatement l’impression de rentrer à la maison, tant l’atmosphère à la fois organisée, studieuse et exubérante me relaxe étrangement. Et c’est aussi pour cela que je suis si cliente de jeux thématisés sur le Japon, que ce soit Tokaido le premier du nom, Philosophia, Takenoko, etc. Car tous ces jeux me replongent dans l’atmosphère de ma maison lointaine d’extrême-orient.

J’ai voulu commencer cet article-test, et nous mettre dans l’ambiance feutrée de certaines régions du Japon, avec un Haïku d’un poète japonais du 18ème siècle qui fait écho à certaines journées pluvieuses au pied du Mont Fuji, quand l’eau s’écoule en chantant le long des feuilles et des gouttières en bambou des auberges de sources chaudes. Et c’est aussi l’occasion de vous apprendre, si vous ne le saviez pas déjà, que l’île de Shikoku est justement réputée pour ses Haïkus. Ca tombe bien, Shikoku est précisément le décor dans lequel se déroule Tokaido Duo, la version 2 joueurs de Tokaido, qui est prévue dans les rayons de vos boutiques préférées pour quelque part en Octobre 2022.

Comme j’ai eu l’immense chance de pouvoir poser mes petites mimines envieuses sur un prototype du jeu, voici donc ce que j’en ai pensé.

Antoine Bauza |  Naïade
Funforge
2 joueurs (Compétitif) | 8 ans et + | 20 à 30 min | Draft de dés et pick-up and deliver
Ce jeu nous a été aimablement mis à disposition par Funforge et on doit bien dire qu’on leur en est incroyablement reconnaissants. Mais on tâchera quand même de rester les plus objectifs possible.

Un proto-quoi ?

Type. Un prototype. Soit une boîte de Tokaido Duo entièrement réalisée à la main par un des lutins de Funforge de Paris. Donc pas le matériel définitif des boîtes que vous trouverez en boutique. Et dont le contenu sera donc susceptible d’être sensiblement différent de ce que vous aurez quand vous ouvrirez une boîte issue de la production industrielle.

Du coup, impossible de vous parler de la qualité du matériel définitif, mais je peux en revanche vous dire qu’en l’état les règles sont bien rédigées, dans un design blanc épuré émaillé d’illustrations tirées du jeu et suffisamment claires pour qu’on n’ait pas besoin d’y revenir whatmille fois durant une partie.

Côté matériel, on trouvera un plateau central, 3 plateaux par joueur représentant les axes de progression du jeu, 3 pions par joueur, 3 dés à drafter et une ribambelle de jetons en carton. On retrouve également avec plaisir sur les plateaux l’épure et les illustrations immersives de Naïade qui donnent le même charme contemplatif à Tokaido Duo qu’à son grand frère.

A noter que chacun des personnages, même s’ils ont des fonctions parfaitement identiques entre les deux joueurs, est représenté différemment. Une attention appréciable qui renforce encore l’immersion.

Ok, mais on peut aller visiter l’île maintenant ?

Oui, oui, doucement, jeune impatient.

Commençons donc par la mise en place plutôt rapide : il vous faudra simplement mettre le plateau central qui représente Shikoku entre les 2 joueurs, récupérer chacun un pack de trois plateaux et les pions correspondants, que vous placerez aux endroits indiqués. Quelques jetons à poser rapidement sur le plateau de l’artiste et sur le plateau central, disons qu’en 5 minutes à deux la mise en place est faite. Durée appréciable comparée à la durée du jeu. On ne se prend pas le chou 2 heures pour déterminer le premier joueur, ce n’est pas celui qui a pris en dernier des frites à la cantine ou celui qui imitera le mieux le cri de la loutre un soir de pleine lune, mais juste celui qui a la rose des vents du plateau central de son côté. Simple, efficace.

Au niveau des règles, on a parlé de draft un peu plus haut, une mécanique de jeu visiblement chère au cœur d’Antoine Bauza et que l’on retrouve tout de même au moins dans le célèbre 7 Wonders. Il s’agit donc ici à tour de rôle de choisir 1 dé parmi ceux disponibles et d’appliquer son effet. Dit autrement, au début de chaque manche, le premier joueur lance les 3 dés, en choisit un parmi les 3, puis l’autre joueur en choisit 1 parmi les 2 restants, puis le premier joueur prend le dernier. Et une autre manche débute en changeant de premier joueur. Donc vous vous retrouvez à choisir 2 dés à une manche et 1 à la suivante, tout le monde ayant au final le même nombre de dés à la fin de la partie. Les effets des dés consistent à simplement et obligatoirement déplacer le personnage correspondant du nombre de points indiqués sur le dé et à appliquer optionnellement ensuite les effets de la case où l’on arrive. Ca, c’est pour le cœur de la mécanique du jeu.

Mais attention : chaque personnage n’a pas les mêmes objectifs.

Le marchand, par exemple, se déplace sur les routes commerciales de l’île pour récupérer et vendre des marchandises. Les marchandises sont tirées au hasard dans un sac, et le nombre de jetons que vous tirez dépend de la ville montagneuse où vous vous trouvez. Seuls les marchands peuvent se déplacer sur ces villes montagneuses, donc la concurrence n’est pas forcément super acharnée pour y être, d’autant que les emplacements de stockage des marchandises sont limités. Les villes côtières sont spécialisées dans la vente d’une ressource, mais visitables aussi bien par un marchand que par un pèlerin. Donc, par exemple, vous pouvez vous retrouver avec un super stock de kimonos ultra tendance cette saison, mais ne pas pouvoir les vendre car votre adversaire vous bloque l’accès aux deux villes qui les achètent. Un effet de blocage intéressant, car personne n’a de toute façon intérêt à rester sur place : donc vous devrez tenter de déterminer quel est le meilleur moment pour bloquer l’autre et à quel moment bouger pour vivre votre propre histoire. Chaque vente permet de récolter un certain nombre de sous et 10 sous se transforment en plaquette d’or qui vous rapporteront des points de victoire à la fin de la partie.

Le pèlerin, lui, se déplace en faisant le tour de l’île. Il visite des temples, des jardins, des sources chaudes et le rivage. Les temples et jardins permettent de déplacer les marqueurs temple et jardin du plateau du pèlerin, qui permettent par un effet multiplicateur simple d’engranger des points de victoire à la fin de la partie. Maximum 6×9 = 54 points, cela permet aussi de réviser ses tables au passage. Les villes côtières, outre le blocage de la vente des marchands, rapportent des sous, les sources chaudes le jeton Source Chaude qui permet d’appliquer l’effet d’un dé une 2ème fois, mais qui est « volable » avant que vous l’ayez utilisé dès lors que votre adversaire arrive lui aussi sur une source chaude avec son pèlerin. Le rivage, pour finir, permet de récupérer un des jetons vagues qui vont vous permettre de mieux contrôler vos déplacements et être moins soumis à l’aléa des dés, ou de booster certaines de vos actions. Le pèlerin permet donc de récolter un nombre appréciable de points, mais il permet aussi de récupérer des pouvoirs très intéressants. A vous, donc, d’équilibrer vos choix entre gain à court terme durant la partie ou récupération de points.

 

Quant à l’artiste, il se déplace dans les régions pour visiter. L’artiste a le choix entre 2 actions : peindre ou offrir. Peindre consiste à découvrir face visible des jetons œuvre de son plateau artiste, autant qu’il y a de personnages autour de la zone où il se trouve. Offrir consiste à retirer le jeton en haut à gauche de son plateau et ne sera possible que si le symbole de la région est identique à celui du jeton. Dit autrement, on ne peut offrir un jeton pic nuageux que sur une zone présentant un symbole de pic nuageux.

La partie s’arrête lorsque l’une des conditions suivantes est remplie :

  • l’un des jetons du pèlerin a atteint sa dernière case
  • le plateau d’un des marchands accueille sa 6ème plaquette d’or
  • le plateau d’un des artistes est vide

On finit la distribution des dés et procède alors au comptage des points qui sont indiqués sur les plateaux et le joueur avec le plus de points devient le meilleur organisateur touristique de Shikoku.

Un jeu nippon ni mauvais ?

Bon, j’avoue, celle-ci, ce n’était que pour caser le traditionnel jeu de mots exigé par le rédac’chef. Parce qu’en vérité, tout le monde a énormément apprécié Tokaido Duo à la maison.

A commencer par moi. Bien évidemment, je souffre ici d’énormément de biais : j’ai adoré Tokaido le grand frère, j’aime profondément le Japon, l’éditeur m’envoie une boîte d’un de mes jeux Graal du moment à moi qui ne suis qu’une modeste chroniqueuse parmi une brillante équipe, je trouve qu’Antoine Bauza crée des jeux vraiment hyper malins et souvent novateurs et je suis ultra cliente du pinceau de Naïade. Oh oui, ça en fait du biais favorable.

Donc je vais tâcher de m’extraire de tout ça pour essayer de trouver quelques critères objectifs pour vous aider à vous projeter dans le jeu ou non.

Au niveau interactivité, par exemple, c’est un jeu qui en est largement pourvu. En déplaçant vos personnages, vous pouvez bloquer votre adversaire, ou lui voler sous le nez un des jetons vagues dont il avait vraiment besoin. Idem pour le jeton source chaude, que vous prendrez un malin plaisir à barboter à votre compère qui venait tout juste de le récupérer. De plus, on est bien dans une course aux sous et aux points, donc vous devrez constamment garder un œil sur l’avancée des plateaux de l’autre. Et pour finir, le choix des dés inhérent au draft, on a difficilement fait plus impactant sur l’autre. Donc, dans Tokaido Duo, il n’est juste pas possible de jouer tout seul dans son coin. Ca, ici, c’est quelque chose qu’on aime beaucoup car rien n’est non plus ultra punitif puisque tout blocage ne peut pas durer mille ans, chaque personnage finissant par se déplacer.

Côté hasard, il y en a juste assez pour que ce ne soit pas pénible. Un peu de hasard dans le placement des jetons œuvre au début de la partie, mais alors pour le coup, je ne vois pas trop comment ça va avantager significativement l’un ou l’autre des joueurs tant les déplacements sont tributaires des tirages de dés. Pas mal dans le tirage des marchandises où l’on peut se retrouver avec une ribambelle des marchandises les plus chères ou une collection totalement disparate qui va nous obliger à visiter les 4 coins du plateau pour nous en débarrasser. Pas de panique néanmoins, on peut toujours aller en montagne récupérer de nouvelles marchandises et se reconstituer un stock plus optimal. Évidemment, le plus grand hasard va résider dans le lancer de dés dont toute l’essence va être de choisir le bon dé au bon moment, et de rafler ou se faire rafler celui qui nous arrange. C’est d’ailleurs un des meilleurs moments du jeu, mais j’avoue que je suis extrêmement cliente de la mécanique de draft, de toute façon.

Côté rejouabilité, elle est assurée par des faces différentes pour les jetons vagues, donc ce paramètre est relativement limité et surtout par le lancer du dés ou la pioche des jetons. En d’autres termes, vous pouvez jouer mille fois avec le même joueur, si les dés ne sont pas avec lui, vous pourrez parfaitement le contrer dans l’application de ses tactiques favorites. C’est une des choses qui me plaisent le plus dans les jeux de manière générale, d’ailleurs, ce côté adaptabilité aux contraintes et au contexte évolutif d’un jeu. Ici, on en est largement pourvu. Je n’ai pas l’impression qu’il y ait un script ou une martingale pour gagner à Tokaido Duo, en dehors du fait de ne négliger aucune piste de score. Mais bon, j’avoue que mes adversaires sont des personnes normales, pas des joueurs d’échecs ou des optimisateurs de niveau mondial.

Quant à l’âge, pour finir, oui, 8 ans c’est parfaitement ok pour pouvoir jouer au jeu. Les règles de déplacement sont vraiment simples, le principe de gain des points est immédiat à appréhender et le draft est une notion super facile à expliquer. Les tours s’enchaînent de façon parfaitement fluide, sans qu’on ait besoin de réflechir 3000 ans car les infos sont immédiates et les choix limités dans le contexte. Pas besoin non plus de planifier ses coups longtemps à l’avance, Tokaido Duo est un jeu d’opportuniste et même un junior de 8 ans s’en sort sans souci.

Un des petits soucis qu’on a pu relever chez nous est la difficulté qu’on peut avoir à lire le plateau pour voir les symboles de paysage. Parfois il faut se pencher pour reconnaître les symboles, surtout si le plateau est encombré de personnages à un endroit. Ceci est inhérent au faible encombrement du plateau et on peut aisément imaginer qu’un plateau plus grand entraînerait une boîte plus grande et un coût plus grand. Donc on se penche et on pousse les bonhommes.

L’avis de Plateau Junior! (Krinie)

Tokaido Duo a ravi tout le monde à la maison. Vite sorti, vite joué, vite rangé, ce petit jeu reprend avec bonheur les sensations de balade de son grand frère en un format plus interactif et tendu pour 2 joueurs.

On sort toujours de Tokaido Duo avec l’impression d’avoir fait quelque chose de sympa, de s’être un peu frotté à l’autre joueur sans trop de brusquerie, de s’être promené dans Shikoku presque en flânant mais sans lambiner quand même. Ici, on adore cette combinaison d’apparente douceur portée par la direction artistique qui contraste avec le rythme nécessaire du pick-up and deliver.

Alors certes, pour des sensations de bagarre mordante et de coups pendables, passez votre chemin. Mais si vous recherchez un petit jeu très très chouette à prix contenu pour des parties agréables, sans prétention mais tout de même disputées, foncez. Oh oui, foncez.

On aime

  • L’atmosphère zen qui se dégage du jeu tout en blanc, marron et bleu
  • Les superbes illustrations de Naïade
  • L’interactivité inhérente aux blocages et choix du dé
  • Des règles simples et élégantes
  • Devoir explorer un peu toutes les pistes de scoring sous peine de se faire distancer
  • Le hasard présent dans le tirage des marchandises et des dés, sans être punitif
  • Le prix tout doux

On aime moins

  • Je cherche encore… ah si, devoir acheter le jeu pour avoir les jolis dés. Avec le proto qui va traîner dans mes étagères parce que collector, ça va prendre bien de la place pour ce qui est censé être un petit jeu.
  • Allez, on va dire que c’est un petit peu galère de voir certaines zones du plateau si les personnages y sont concentrés.

Votre junior aimera si

  • Il aime les règles simples qui entraînent des choix importants
  • Un peu de blocage ne l’effraie pas

Le trouver

  • Dans toutes les bonnes boutiques à sa sortie et notamment
  • Chez Ludum

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