Test – Sagrada (le temps des cathédra-a-a-leeeuhhhh)
Après cette accroche-choc tout à fait percutante, normalement, ami.e internautateur.trice, vous êtes suspendu à vos petits yeux, avide d’en savoir plus à la fois sur ce jeu et ma culture musicale. Nous allons jeter un voile pudique sur la deuxième partie, je crains de vous perdre pour toujours si je vous dis où j’en suis de ce côté-là.
Concentrons-nous donc sur Sagrada, jeu où vous devrez compléter de magnifiques vitraux tout colorés à l’aide de dés draftés.
Mais d’abord quelques mots d’ « avertissement » :
Sur la boite, on peut lire « à partir de 14 ans ». Ce qui est complètement exagéré, le jeu est tout à fait jouable à partir de 8 ans, tant que le Marmot sait compter jusqu’à 6 et reconnaître les couleurs de base. Il faut également savoir insérer des cubes dans des trous carrés, ce qui stimule la motricité fine des plus petits et exerce l’adresse des plus grands aux doigts trop gros. Bon, vous l’avez compris, là n’est certainement pas le cœur du jeu.
Ah, et oui, si vous êtes daltonien, passez votre chemin, impossible de jouer au jeu, tout est basé sur les couleurs.
[Cet article a précédemment été publié sur plateaumarmots.fr, en voici une version mise à jour pour Plateau junior.]
Bon, et dis Madame, le matériel, il ressemble à quoi ?
Ah, là, il y a tout ce que j’aime : des couleurs qui chatoient, des dés à n’en plus finir, un sac opaque pour les piocher sans tricher, des plateaux de joueurs en forme de vitraux avec des cases fenêtres trouées pour y caler les dés que vous allez récupérer, des petites gouttes de verre blanc pour matérialiser vos points d’aide et quelques cartes vitrail, outils et objectifs.
Le tout est beau, solide, bien fichu et facile à manipuler.
Alors oui, j’aime le matériel de Sagrada, je m’en prends plein les mirettes dès que je sors le jeu et ça fait une bonne partie du plaisir. Oui, j’avoue, les petits dés transparents ressemblent à des bonbons, même moi j’ai eu envie de les manger. C’est dire.
Ok, tu nous as donné envie, tu nous expliques maintenant ?
Les règles tiennent sur 4 pages abondamment illustrées. Une lecture suffit amplement pour jouer. Seul le contenu des cartes, quoiqu’assez limité et explicite car illustré, nécessitera, peut-être, d’y revenir en cours de partie.
Le jeu se joue de 2 à 4 joueurs. Chacun choisit un plateau-vitrail et une face parmi 2 cartes recto-verso de fenêtre, de difficulté variable, qu’il glisse dans l’emplacement prévu à cet effet. Chacun reçoit ensuite un objectif secret sous la forme d’une carte représentant une couleur de dé : à la fin de la partie, le joueur marquera autant de points que ceux sur les faces des dés de ladite couleur. On tire ensuite 3 objectifs publics (= des points à gagner si on remplit des conditions d’alignement de dés ou en nombre, ou en couleur, etc) et 3 outils qu’on peut utiliser pendant la partie moyennant paiement en petites gouttes de verre. Lesdites gouttes sont distribuées aux joueurs en fonction de la difficulté de la carte-fenêtre qu’ils ont choisie.
Voilà pour l’installation !
Le coeur du système de jeu tient dans le « draft » (prise tour à tour) des dés qui sont tous placés dans leur sac opaque. Au début de chaque tour, on en pioche 2 x le nombre de joueurs +1 dés. Et le premier joueur choisit un dé parmi ceux disponibles, puis le joueur suivant un, etc. Jusqu’au dernier joueur qui en prend un, puis un deuxième et on repart dans le sens inverse. En principe, chaque joueur se retrouve donc avec 2 dés à placer par tour. Pour placer ses dés, il faut respecter les contraintes de placement : toujours se placer à côté d’un dé déjà posé (en diagonale ou adjacent) mais deux dés adjacents horizontalement ou verticalement ne peuvent présenter ni la même couleur, ni la même face. En plus de cela, il faut respecter les contraintes de sa carte-fenêtre, qui impose des valeurs ou des couleurs à certains emplacements.
A la fin de 10 tours, la partie s’arrête, on compte les points en fonction des objectifs privés, publics et des gouttes de verre qui restent à chacun des joueurs. Et des espaces laissés vacants dans la fenêtre, qui seront pénalisés, évidemment (vous avez déjà vu un vitrail avec des trous ? c’est moche !)
Ok, j’ai à peu près compris. Mais alors, une partie avec des mini-me, ça se passe comment ?
Eh bien, quand je joue avec ma hyène de fille de 12 ans, elle vérifie consciencieusement de quels dés je pourrais avoir besoin parmi ceux disponibles. Et les choisit en premier, bien évidemment, s’ils sont compatibles avec ses propres contraintes. Comme les chiens ne font pas des chats, je pratique le même genre de blocage, car il ne faut jamais laisser une hyène gagner, sauf à l’insu de son plein gré. Et pourtant, bien qu’ayant de nombreuses parties au compteur contre des adultes, je me suis fait battre par la hyène, une fois. Sacrée hyène.
Pour jouer avec des plus jeunes/moins retors que ma grande Marmotte, vous pouvez adapter la difficulté : leur donner des cartes-fenêtres avec moins de contraintes (celles de niveau 3) et/ou prendre vous-mêmes moins de gouttes de verre = moins d’accès aux outils avec des cartes-fenêtres plus difficiles. Le bon usage des outils étant à mon sens l’aspect le plus subtil du jeu, il est plus logique d’en restreindre l’accès aux adultes que d’en donner plus aux enfants.
L’avis de Plateau Junior
A titre personnel, j’adore littéralement ce jeu. Parce qu’il est beau, parce qu’il y a des dés, parce qu’il est simple et profond à la fois, parce que je vais y faire jouer tous ceux qui comptent pour moi. Sauf mon chat parce que je n’aime pas trop mon chat.
Sagrada, c’est un petit puzzle tout joli avec pas mal de hasard contrôlable, accessible très tôt, des mécanismes malins, de la pureté, des parties courtes de 30/45 minutes, une mise en place rapide. Sagrada, c’est un peu mon must-have du moment. Voici mon humble conseil : jetez-vous dessus comme mon chat sur sa gamelle de croquettes après une demie-heure de jeûne.
Intérêt ludique : oui, pour tous de 8 à 299 ans, et initiation précoce pour les plus mordus au mécanisme du draft
Intérêt pédagogique : stimule la motricité fine des gros doigts gourds des parents, apprend à mettre des cubes dans des trous carrés, à faire des additions, à distinguer les couleurs. Et à pourrir Maman.
Au final : les enfants, je suis amoureuse de ce jeu. Simple as that.
Fiche Technique
- Un jeu de Daryl Andrews et Adrian Adamescu
- Edité par Matagot
- Illustré par Peter Wocken
- A partir de 14 (en vrai 8) ans
- Pour des parties de 30 min à 1 heure
Pour aller plus loin :
On compare parfois Sagrada dans ses mécanismes à Roll Player, un jeu où les dés permettent de construire un héros d’exploration de donjon. Mais pour les enfants, je conseille vivement de rester sur Sagrada, plus simple et thématiquement plus adapté au jeune âge des Marmots impressionnables.
Depuis la première sortie de mon article, 3 extensions rajoutant des outils, des objectifs privés, de nouveaux mécanismes et des joueurs sont sortis. Y compris en français ce qui a rendu le jeu bien plus accessible sous nos contrées.
Un jeu de draft ?
Pour ceux qui ont du mal avec ce terme, on pourrait définir le draft ainsi : un jeu de draft est un jeu où l’on choisit une ressource parmi une source collective (paquet de cartes, tas de dés, etc.) puis de laisser ses adversaires faire de même.
Dans le cas d’un jeu de cartes, cela signifie par exemple qu’un joueur va piocher un certain nombre de cartes, en choisir une, puis passer le restant à son voisin qui va faire de même, jusqu’à épuisement des cartes. Le terme a été popularisé par le jeu en tournoi de Magic, pour lequel on ouvre des paquets de cartes (neufs) en début de partie et où chacun va donc constituer son deck en temps réel à partir des mêmes cartes.
Dans le cas de Sagrada, cela signifie qu’on pioche les dés, qu’on les jette, et que chaque joueur va choisir un par un les dés qui lui sont le plus utiles à partir du même pool de dé.
Voici une définition du draft que l’on trouve sur la toile.
Choisir une ressource de jeu dans une pile commune, puis passer le reste des cartes à son voisin. Répéter l’opération.
Voici un exemple de partie 🙂