A partir de 8 ansOn teste !

Test – Gorynich

Le coop' a son meilleur !

Dans la série : « le jeu qu’on n’attendait pas et qui met tout le monde d’accord », je pense que Gorynich fait très fort. Pour vous la faire courte, il s’agit d’un jeu coopératif sur fond de Tower Defense et de communication limitée.

Les joueurs incarnent en effet Gorynich, un Dragon du folklore Russe, qui doit repousser les assauts incessants de chevaliers lourdauds. Ces derniers, en effet, veulent séduire la belle princesse (alors que de son côté elle est très heureuse de vivre tranquille avec son dragon). Pour gagner, les joueurs doivent mener le dragon de chevalier en chevalier afin qu’il puisse tous les incinérer les uns après les autres sans autre forme de procès.

Mais contrôler un dragon à multiples têtes n’est pas de tout repos, surtout quand chacune d’entre elles a une idée bien arrêtée sur la meilleure manière de procéder…

Gorynich est un jeu d’Arthur Viennot Illustré par Sébastien Leboeuf, Sergey Kardakov, Victorina Violina-Lukian. réunissant de 3 à 7 joueurs, c’est édité par Lifestyle Boardgames.  

[Ce jeu nous a été confiés par l’éditeur afin que nous puissions produire cette bouleversante review. En dépit des origines russes de l’éditeur, aucun appel de la mafia de Moscou menaçant nos vies n’est à déplorer. Aussi nous nous bornerons à dire ce que l’on pense réellement du jeu. Coup de bol pour nos familles : il est excellent.]

Chut, on a dit !

Gorynich fait donc partie de ces jeux coopératifs à communication limitée dans lesquels famille et amis se déchirent faut de pouvoir se comprendre. En gros, il sera interdit de blablater durant toute la partie, et les joueurs ne pourront donc en aucun cas annoncer leurs intentions de jeu pour le tour (ce qui ne sera jamais très facile pour des Juniors). Heureusement il existe des jetons de « Dialogue », qui permettront d’échanger quelques phrases afin de coordonner ses assauts. Ils sont en nombre très limités (et pour des sessions de discussion de trente secondes max), il ne faudra donc pas en abuser. La difficulté du jeu, que l’on pourrait résumer comme une sorte de mix entre Magic Maze et The Crew, c’est que les joueurs vont devoir déplacer et faire agir un dragon sans jamais savoir ce que les partenaires de jeu ont décidé de faire de leur côté.

Il sera très simple, par exemple, de s’imaginer que votre estimé voisin avait décider de faire aller le dragon vers la gauche, en direction du chevalier le plus proche. Alors qu’en fait, il sera allé dans une toute autre direction, persuadé qu’un autre danger plus imminent était prioritaire. Pas facile de s’y retrouver, donc.

Les chevaliers bornés à l’assaut

Mais ne vous inquiétez pas pour autant. Car en dépit de quelques cafouillages inévitables, les joueurs ne sont pas totalement laissés dans le flou. A chaque tour, le joueur qui possède l’initiative désigne clairement quel est le (ou les) chevalier(s) qu’il souhaite attaquer. En général, il s’agit de celui qui est le plus proche du château. Parce que oui : pendant que le dragon tergiverse, les chevaliers tracent vers l’élue de leur coeur. 

En début de tour, en effet, deux cartes de déplacement sont piochées. La première déplace immédiatement les chevaliers du nombre de cases indiquées en direction du château, au pti trot. La seconde indique de combien de cases le dragon pourra se déplacer à chaque mouvement de la seconde phase du tour. Et même si la coordination des actions du dragon n’est pas de la tarte, vous savez en général ce que vous visez… en tout cas en début de tour.

Le dragon pataud en défense

Pour faire agir le dragon, chaque joueur dispose de cartes action, placées face cachée devant lui. Ces cartes lui permettent :

  • De se déplacer vers l’un des 4 points cardinaux (à hauteur de la valeur révélée avec la carte de déplacement)
  • De cracher des flammes sur la case où il se trouve
  • De déclencher l’un des pouvoirs

Le but du jeu, vous l’aurez compris, est donc de deviner et anticiper les actions des autres afin que sa propre action jouée puisse se coordonner parfaitement dans le déroulé général. En gros, il vous faut faire du calculatoire pour estimer que si la cible désignée est au nord-ouest, le premier joueur va probablement jouer un déplacement qui va diriger le dragon vers le nord, et que vous avez tout intérêt à jouer une carte qui dirige Gorynich vers l’ouest. Le troisième joueur, se disant que vous avez tout compris au film, aura idéalement joué une carte « flammes » pour réduire le chevalier en cendres.

La latitude qui vous est donnée, c’est qu’à chaque déplacement vous pouvez déplacer Gorynich à hauteur des points de déplacement générés en début de tour. En effet, le jeu n’est pas cruel au point de vous dire que vous imposer un déplacement et de vous dire que « vous avez dépassé la cible d’une case, tant pis pour vous ». Mais il y aura des moment improbables où l’on se loupera complètement, où l’on découvrira presque par hasard qu’on arrive bel et bien sur la case d’un chevalier mais que le joueur dont c’est le tour n’a pas pensé à déclencher les flammes du dragon. Et manque de bol, le chevalier ne va pas manquer de se redéplacer au tour suivant, ce qui impliquera de lui courir après. 

Des pouvoirs qui claquent

Afin de limiter la casse et de perdre l’impression que l’on dirige un dragon aussi pataud qu’aveugle, l’une des cartes action de chaque joueur permet de déclencher un pouvoir. Et le truc très pratique, c’est que vous n’avez pas besoin de décider à l’avance de quel pouvoir il s’agit. A votre tour de jeu, en fonction de la situation sur le plateau, vous pourrez fièrement exhiber la carte pouvoir que vous aviez posé face cachée devant vous et choisir d’activer telle ou telle capacité. Par exemple un déplacement dans la direction qui vous plait, la possibilité de cramer toutes les cases adjacentes ou de vous téléporter au château. Si vous perdez un peu le fil du round et que vous ne savez pas trop quoi jouer, cette activation vous permettra de relancer la partie dans le bon sens. Mais attention : chaque déclenchement de pouvoir provoque une réaction des chevaliers, qui auront alors droit à un bonus de leur côté aussi.  

Eloge de l’incertitude

Imaginez cette séquence de jeu à 6 ou 7 joueurs : vous partez du château et vous avez 5 cases qui vous séparent d’un ennemi, désigné par le premier joueur. La cible sera vraisemblablement anéantie en 2 ou 3 mouvements. Mais du coup, les joueurs suivants, que doivent ils programmer comme déplacement, quelle cible doivent-ils viser alors qu’ils n’ont pas la possibilité de se concerter ? Ils auront sans doute décidé d’attaquer le prochain chevalier le plus proche du château… ou le plus proche d’eux ? Où diable va aller Gorynich ? Si les Chevaliers doivent suivre les routes, le dragon les ignore superbement : à vous de tenter de deviner les intentions de vos équipiers pour vous inscrire dans leur séquence de la meilleure manière possible.

Le dernier point à signaler, c’est que les cartes action jouées ne sont PAS récupérées en fin de tour et que, forcément, les possibilités d’action des joueurs se réduisent comme peau de chagrin au fur et à mesure des tours, jusqu’à ce que vous puissiez reconstituer votre deck. Il faudra donc vous souvenir des possibilités de vos équipiers pour ne pas les imaginer capables de réaliser des actions qu’ils ne peuvent plus jouer. 

– T’as pas cramé le dragon ? 
– Impossible, j’en ai cramé un au tour d’avant ! Fallait suivre !!

Une mécanique très très bien huilée

Gorynich est un jeu à la saveur vraiment particulière, qui donne toutes ses lettres de noblesse aux notions de programmation/coopération/stratégie. Il faut en permanence trouver le timing idéal pour effectuer ses déplacements (et ses damage controls) afin de dégommer tous les chevaliers les uns après les autres, ce qui n’a rien d’aisé au cours des premières parties. 

Les sensations de jeu sont géniales, purement géniales, et si les premières parties sont forcément hésitantes, les suivantes sont de plus en plus intuitives alors que l’on comprend la logique de son équipe. C’est pour cela que la référence à The Crew nous semble terriblement pertinente, même s’il s’agit de jeux très différents sur la forme. Gorynich est un jeu où le plaisir de jeu devient de plus en plus vif au fil des parties, alors que la table devient de plus en plus à l’aise avec les actions des uns et des autres.

Avec des enfants, forcément, il faut faire usage d’une certaine patience pour lancer la machine et imposer le silence sur le royaume, mais une fois que tout le monde est bien rodé, c’est juste magique.

On monte en gamme

Si le jeu de base est déjà largement assez fun pour vous tenir en haleine de très nombreuses parties, il est possible de monter (radicalement) en gamme avec le mode avancé. Le plateau devient alors plus complexe (avec des rivières qui déclenchent des déplacements automatiques quand le dragon pose ses fesses dans l’eau) mais surtout une ribambelle de nouveaux pouvoirs (3 dans le jeu de base, 9 dans la version avancée) pour une déferlante de possibilité tactiques. On ne vous en dira pas beaucoup plus sur ce mode parce que dans les faits, il faut vraiment avoir de longues heures de jeu pour le rendre praticable. On y reviendra toutefois sans doute dans le cadre d’un avis plus fouillé.  

Epic fail ?

Le truc qui fait sourire : sachez qu’il est possible de subir un game over immédiat ! Si le dragon se retrouve dans la château et qu’il se mette à cracher du feu, alors c’est le château et la princesse qui partent en cendres. Ca ne nous est encore jamais arrivés, mais il est clair que tout le monde serre un peu les fesses quand le dragon est dans le château.

L’avis de Plateau Junior (Olivier)

Gorynich est un excellent jeu qui met la coopération au plus haut niveau entre les joueurs. Entre programmation et stratégie, il sera toujours stressant de découvrir les actions choisies par les autres joueurs, ce qui sera souvent source de gros fous rires ou de soupirs navrés. Et là où le jeu fait fort, c’est qu’il permet de s’amuser avec 6 ou 7 joueurs autour de la table, pour des sessions d’embrouille particulièrement réjouissantes. Plus vous serez nombreux et plus vous constaterez qu’il n’est vraiment pas facile de contrôler un énorme dragon quand on est de nombreux aux commandes, avec parfois des incompréhensions rigolotes sur les intentions des uns et des autres, mais on savoure un équilibrage aux petits oignons et un plaisir de jeu incroyable à chaque partie. Vraiment excellent !

On aime

  • De la « vraie » coop’ où chacun joue son rôle
  • Une sensation incroyable d’efficacité quand le plan se déroule sans accroc
  • De gros fous rires lors des échecs
  • Original et bien réalisé
  • Une chouette direction artistique
  • Jouable jusqu’à 7 (!)
  • Des règles avancées bien costaudes

On aime moins

  •    Honnêtement ? Rien.

Le trouver

Fiche technique

  • Un jeu d’Arthur Viennot
  • Illustré par Sébastien Leboeuf, Sergey Kardakov, Victorina Violina-Lukian 
  • Pour 3 à 7 joueurs
  • A partir de 8 ans
  • Edité par Lifestyle Boardgames

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